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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 mai 1839

13 mai [1839], lundi matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon cher adoré, j’espère qu’il ne t’est rien arrivé et que tu n’as fait aucune imprudence cette nuit [1] ? Tout paraît bien tranquille dans mon quartier et je pense que c’est un bon signe pour les autres ? Le froid d’ailleurs est capable de figer sur la place le courage des plus terribles de ces héros de carrefour et de ruisseaux et il faudra que j’en ai un, de courage, d’une fameuse trempe, pour ne pas rouvrir ma cheminée et ne pas redescendre toutes mes couvertures ; mais je suis décidée à braver même la température sibérienne plutôt que de céder à un vil préjugé qui veut qu’on se chauffe quand on a froid… C’est lâche ! Dans nos prévisions, hier, nous n’avions pas penséa au blanchisseur à qui il faut que je donne 6 francs 6 sous sur 11 francs 10 sous. Il ne me restera pas grand-chose et l’épicier sera parfaitement déplacé ainsi que son pain de sucre s’ilsb se présentent tous les deux aujourd’hui chez moi. J’ai bien envie dans cette extrémité d’aller faire mon petit hourvaric et de renverser pour ma part un petit bout de gouvernement. Il me semble que ce n’est pas à dédaigner, qu’end dites-vous ? Cela me réchauffera. Voici qu’on bat le tambour, il paraît que ça se réchauffe de plus belle ? Mais maintenant je ne ris plus parce que je pense à votre imprudence et à votre curiosité et j’ai peur. Mon Dieu, préservez-moi d’aucun malheur dans mon Victor adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 159-160
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « penser ».
b) « il ».
c) « ourvari  ».
d) « quand ».


13 mai [1839], lundi soir, 6 h. ½

J’espère, mon petit bien-aimé, que tu n’auras fait aucune imprudence après m’avoir quittée ? Il est vrai que tout a l’air tranquille dans ce moment-ci, du moins dans notre quartier. Il paraît que ce [que] tu craignais pour ma maison est arrivé au coin de la rue Saint-Anastase dans la maison de mon repasseur de couteau, car la femme dudit repasseur racontait qu’elle avait une grande frayeur de voir sa maison cernée et prise d’assaut à cause de la présence de 7 ou 8 vauriens qui s’en étaient fait un retranchement. Il paraît que c’est pour cela que les soldats couchaient en joue toutes les fenêtres du voisinage. Ainsi, comme tu le vois, mon adoré, le danger est quelquefoisa bien près de soi sans qu’on s’en doute. Je te recommande encore au nom de ma propre vie de ne pas exposer la tienne par un courage hors de saison et inutile à tout le monde. Pour moi, je ne suis pas encore bien remise de la commotion que j’ai reçue tantôt. Il ne m’est pas démontré que je n’en aurai pas la JAUNISSE, du moins jusqu’à présent j’en ai tous les symptômes. Je t’aime, mon pauvre adoré, c’est dans des moments comme ceux-ci que je le sens jusque dans la moelle de mes os. Je t’en supplieb, prends bien soin de moi en ne t’exposant pas car je mourrais s’il t’arrivait le moindre mal.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 161-162
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « quelque fois ».
b) « suplie ».

Notes

[1Jour d’émeutes à Paris.

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