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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 avril [1839], jeudi midi

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon cher petit bien-aimé. J’espérais que vous viendriez me souhaiter l’anniversaire de ma naissance [1], mais vous avez pensé que ça n’en valait pas la peine et vous avez eu raison et je suis de votre avis pour ce qui regarde le jour où je suis venue au monde. Au reste, je ne prends acte de vie et de bonheur que du 17 février 1833 [2]. Vous voyez qu’en fait de rajeunissement je ne me gêne pas. Je trouve que quand on prend de la jeunesse, on n’en saurait trop prendre. Votre cocotte fait les centa coups dans ce moment-ci. C’est une jeune personne bien vorace et bien immorale car voilà plus d’une heure qu’elle dévore son rideau au risque de se montrer toute nue à tous les passantsb. Il faudra que je lui choisisse unc autre domicile dans lequel les rideaux ne figureront pas. C’est assez difficile vu la délicatesse d’organisation de cette demoiselle. Mon Dieu, quel beau temps. Je remarque que chaque fois que je ne peux pas sortir, il fait beau. C’est encore une suite de mon guignon et la liste en est assez longue. Jour Toto, papa est bien i. Je t’aime de toute mon âme. Je voudrais bien le voir, mon Toto, je voudrais le baiser. J’espère, mon cher petit bien-aimé, que ton mauvais souper d’hier ne t’a pas fait de mal ? Tu aurais bien fait de revenir, non pas à cause de mon anniversaire mais en l’honneur de notre amour qui vaut mieux que lui. Pourquoi n’êtes-vous pas venu, vieux vilain ? Je vous aime trop.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 39-40
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « cents ».
b) « passans ».
c) « une ».


11 avril [1839], jeudi soir, 6 h. ¾

Ainsi que tu me l’as dit, mon cher petit bien-aimé, je viens d’écrire à Mme Krafft pour lui demander de la flanelle anglaise. Je doute qu’avec le peu de bonne grâce et de bonne volonté de la dame dans ce moment-ci nous ayons une réponse satisfaisante. Dans tous les cas, j’en achèterai de la française et le malheur ne sera pas bien grand. Que vous avez été bon et charmant tantôt, mon Toto, mon cœur s’épanouissait sous vos tendresses comme les fleurs sous un rayon de soleil. Quel dommage que ç’aita été si court. Depuis ce temps-là, j’ai continué de rabobiner mes vieilles chemises sans penser seulement à me débarbouiller mais puisque [tu] m’aimes comme cela, ça m’est égal. Jour, mon cher petit o. Jour, mon gros To. Votre vieille cocotte continue à gobelotter [3] sans vouloir desserrer le bec pour la conversation. Cette perruche doit être un perroquet vu le parfait mutisme dont elle fait profession. Voilà qui est terriblement MÉCHANT pour les femelles en général. Papa est bien i. Je l’aime et je fais des bêtises pour le faire rire. Si je ne réussis pas, ce n’est pas faute d’abondance de la matière : je suis, Dieu merci, bête depuis les pieds jusqu’à la tête et de plus AMOUREUSE.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 41-42
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « c’est ».

Notes

[1Juliette Drouet est née le 10 avril [1839] 1806.

[2Date de la première nuit d’amour de Victor Hugo et Juliette Drouet.

[3Gobelotter : boire par petites quantités, mais souvent, ou faire bombance.

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