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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 juin 1881

Paris, 11 juin 1881, samedi matin, 10 h.

Cher bien-aimé, je suis heureuse que tu aies passé une bonne nuit et que ta santé se raffermisse tous les jours un peu plus. Il n’y a pas de mal qui ne serve à bien, dit le proverbe, qui se trouve cette fois bien justifié car depuis ta dernière indisposition tu es revenu à la santé et à la jeunesse. C’est ce que tout le monde remarque en te voyant et ce qui fait mon bonheur.
Tu as Sénat aujourd’hui, à deux heures séance publique et convocation à une heure dans les bureaux, local no 7, pour la proposition Tolain : révision de la constitution. Il me semble, à moi, qui n’y connais rien, que cela se rembrunit beaucoup dans le ciel de la politique presque autanta que dans celui du bon Dieu ; car le rayon de soleil de ce matin, quand je t’ai quitté, est depuis longtemps disparu et il fait un froid de loup. Cependant il n’a pas encore plu. Espérons que la béquille du bon Barnabé triomphera du parapluie de cette vieille canaille de Médard et que nous finirons par avoir quelques beaux jours [1]. En attendant je te bâcle une restitus double en raison de l’aphorisme « qui paie ses dettes s’enrichit »  [2]. Donc, après mon gribouillis, mon cœur se sera enrichib de tout l’amour qu’il te doit depuis deux jours. Cher bien-aimé, jamais rien n’a été plus vrai pour moi. Plus je t’aime et plus je veux t’aimer et plus je suis joyeuse et heureuse. Aussi je t’aime, je t’aime, je t’aime à en remplir le ciel et la terre.
Petit Georges continue, lui aussi, à reprendre la santé, la force et la joie de son âge. S’il faisait un peu plus chaud tout serait pour le mieux pour vous, mes chers oiseaux de paradis, et pour tout le monde en général. Il est probable que cela se décidera aujourd’hui là-haut par le triomphe de Barnabé sur Médard.
Quant à moi, toutes les températures et tous les temps ne changent rien à l’état de mon cœur qui t’adore immuablement.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16402, f. 127-128
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « presqu’autant ».
b) « enrichit ».

Notes

[1Le 11 juin est la Saint-Barnabé. Barnabé est parfois associé à Saint Médard, un « saint pluvieux » célébré le 8 juin. D’après l’expression, « s’il pleut à la Saint-Médard, il pleut quarante jours plus tard, à moins que Saint-Barnabé ne lui coupe l’herbe sous le pied ».

[2Juliette n’a pas écrit à Hugo la veille.

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