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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 19 février 1881, samedi matin, 7 h.

Cher bien-aimé, quelle heureuse nuit que la nôtre, que celle que nous venons de passer chacun de notre côté ! J’en suis encore tout étourdie et comme hébétée. J’espère au moins que toi tu vas employer la matinée à rattraper un peu de bon sommeil, ce qui me ravigoteraa moi-même en y pensant.
En attendant, mon cher adoré, j’ai déjà pris connaissance du monceau de lettres arrivées hier soir pendant que nous dînions. Il y en a deux de Paul Foucher te rendant un compte détaillé de tous les préparatifs qui se font activement pour ta fête [1] ; ce sera superbement beau ; grand et merveilleux comme toi-même. Les adhésions arrivent en foule et tout le monde tient à honneur de participer aux travaux et aux soins que nécessite cette mise en train de ce formidable et sublime hommage. Perrinb, de la Comédie-Française, met ses acteurs les meilleurs à la disposition du comité pour dire des vers de toi au Trocadéro. Il jouera Hernani le soir et on y lira des vers de Coppée faitsc pour la circonstance. Théodore de Banville en fait aussi de son côté pour l’Odéon. Enfin la fameuse Madame Judic du Palais Royal dira en travesti : « Je ne pensais pas à Rose » [2]. Catulle Mendès, paraît-il, se multiplie à miracle et Paul Foucher se dévoue con amor à la réussite de cette grandiose et pieuse manifestation. Tout cela, mon bien-aimé, estd la juste rémunération que te doit l’humanité tout entière et que mon amour résume en une adoration perpétuelle de ta personne et de ton génie. Sois béni ! Sois béni ! Sois béni !
Dans mon énumération hâtive des choses qu’on prémédite et qui se font, j’en ai forcément passé beaucoup et des meilleures [3]. Mais tu liras les lettres de Paul Foucher et le compte-rendu par les journauxe qui suppléerontf à mes omissions forcées. Pour le moment je me dépêche de te donner en bloc ma pensée, mon cœur, mon âme, dans un seul baiser des pieds à la tête et de la terre au ciel. Je t’aime.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16402, f. 33-34
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « ravigottera ».
b) « Périn ».
c) « fait ».
d) « et ».
e) « journeaux ».
f) « supplérons »

Notes

[1Victor Hugo fêtera ses soixante-dix-neuf ans le 26 février. Pour célébrer l’entrée de Victor Hugo dans sa 80e année, le Conseil municipal viendra lui rendre hommage et le peuple parisien, par centaines de milliers de personnes, défilera sous ses fenêtres.

[2Le poème des Contemplations intitulé « Vieille chanson du jeune temps » s’ouvre sur ce vers : « Je ne songeais pas à Rose ».

[3Citation de don Ruy Gomez dans Hernani, devant la galerie des portraits de ses ancêtres : « J’en passe, et des meilleurs. »

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