23 janvier 1862

Guernesey, 23 janvier 1862, jeudi matin, 9 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, bout-ci, bout-là, car je vous vois de tous les côtés alternativement, par devant, par derrière, des pieds à la tête et de la tête aux pieds, sans avoir pu surprendre un seul de tes regards pendant cet exercice forcené de l’hydrothérapie et de la friction, son complément. Ma foi, j’y renonce et je ferme mes fenêtres au brouillard au moment où tu viens d’ouvrir la tienne. J’espère que tu as passé une bonne nuit et que tout est à souhait pour toi ce matin, mon cher adoré ; avec cette pensée, je peux attendre sans trop d’impatience le moment où tu viendras baigner tes chers yeux. Quant à moi, puisque vous voulez le savoir, j’ai très bien dormi toute la nuit et je me porte à merveille ce matin. ATTRAPÉ^a ?!! Hier au soir je tombais de sommeil comme une brute et j’étais assez mal en point^b, je ne sais pourquoi ; mais aujourd’hui, je porte la vie à cœur tendu… vers vous et je me sens capable de tout et de bien autre chose. « Honni soit qui mal SIX PENCE. » À propos de la PERFIDE ALBION, je vois des tas de boules et de drapeaux accrochés au mât des signaux du côté de l’Angleterre qui ne vous promet ni poires ni épreuves molles de ce côté-là pour aujourd’hui. Vous êtes sur LA CROIX en ce moment-ci mais Lacroix est encore plus sur vous, ce qui est assez lourd même pour un homme aussi fort que vous l’êtes, mon cher petit homme, et moi je suis à vos pieds.

BnF, Mss, NAF 16383, f. 22
Transcription de Brigitte Siot assistée de Florence Naugrette

a) « attrappé ».
b) « empoint ».