Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1879 > Septembre > 15

Villequier [1], 15 septembre [18]79, lundi matin, 8 h.

Cher bien-aimé, encore une bonne nuit après une bonne journée ; encore mon amour après mon amour « comme l’onde sur l’onde dans une mer sans fond » [2].
Ce matin, pendant que tu dormais, j’ai assisté de ma fenêtre ouverte au premier bouillonnement du mascaret [3] ; cela faisait déjà un petit vacarme ressemblant de loin à la rumeur d’une émeute. Les ouvriers du quai s’étaienta retirés du travail pour laisser passer le flot et une partie des domestiques de la maison étaient venus voir ce spectacle comme s’ilsb le voyaientc pour la première fois. Le temps brumeux et très calme a dû paralyser un peu ce commencement d’effervescence mais j’espère que l’aiguillon du vent fera rugir ce lion après-demain soir pour notre grand plaisir. En attendant contentons-nous des sérénades populaires des braves gens qui t’admirent et qui t’aiment, avec tant de raison, comme le plus grand, le plus utile et le meilleur des hommes.
Puisqu’il est décidé que nous revenons à Paris samedi je vais écrire à Eulalie de se tenir prête à nous recevoir avec un bon petit dîner. Et si tu jugesd à propos d’avoir Lesclide comme convive ce jour-là, je l’inviterai de ta part ; il pourra en même temps te renseigner sur les lettres qui sont arrivées en ton absence. Tu me diras cela tantôt. En attendant je pense avec orgueil à mon triomphe d’hier au billard. Pour un beau coup c’était un beau coup, c’est grand dommage que la poule était si peu engraissée. Mais, telle quelle, je m’en contente, ce genre de succès ne m’étant pas habituel. L’oiseau que je vise, et auquel je tiens plus qu’à ma vie, c’est ton cœur, le reste m’est égal. Voilà. Je t’adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 219
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette

a) « s’était ».
b) « s’il ».
c) « voyait ».
d) « juge ».

Notes

[1Après un séjour à Veules-les-Roses chez Paul Meurice, Victor Hugo et Juliette Drouet sont allés passer quelques jours à Villequier, chez Auguste Vacquerie.

[2Citation de Victor Hugo : « Comme l’onde sous l’onde en une mer sans fond » (« La Prière pour tous », IV, Les Feuilles d’automne).

[3Mascaret : Vague qui remonte le cours d’un fleuve sous l’effet d’une grande marée d’équinoxe.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne