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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 mars [1841], mercredi, midi ¼

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon amour, comment vas-tu ce matin ? Pourquoi n’es-tu pas venu te faire soigner à la maison [1] et te reposer auprès de ta pauvre Juju ? Vous mériteriez que je vous fiche des giffes quand je vous aurai en mon pouvoir, ce qui ne sera pas très prochainement si j’en juge d’après les autres jours où vous ne venez jamais que le plus tard possible. Oh ! c’est très gentil et je vous conseille de rire, affreux Fouilloux [2] que vous êtes.
À propos, dites-moi donc quand vous vous décidez à avoir 39 ans [3] ? Est-ce au mois de mars ou au mois d’avril ? Est-ce le 26 ou le 31 du mois ? Enfin, je voudrais être fixéea à ce sujet et vous m’obligeriez beaucoup de me le dire. Je sais bien qu’il y a une rectification qui remet le jour de votre naissance au 25 mars mais comme vous ne vous faites pas faute de changer de date et d’âge [4], je vous prie de me le dire et de me l’écrire même car je ne veux pas perdre une seule occasion d’avoir de votre chère petite écriture, ne fût-ceb que pour un mot [5]. Je ne sais pas ce qui est cause que j’ai oublié le 25 et le 26 de te parler de cet anniversaire ; ce n’est cependant pas faute de penser à toi et de t’aimer de toute mon âme. Jour Toto, jour mon cher petit bien-aimé. J’espère que tu ne souffres plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16344, f. 301-302
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « fixe ».
b) « fusse ».


31 mars [1841], mercredi soir, 7 h. ½

Décidément, mon cher bijou d’homme, vous passez à l’état diaphane. Sérieusement, je vous conseille de retourner sur vos pas et de remplir au plus vite votre cher petit bedon et les affreux vides de votre pantalon. Je vous parle en amie et comme tout à fait désintéresséea dans la question. Je vous le dis, en vérité vous dépérissez à vue d’œil. Jour Toto, jour mon Toto, jour mon cher petito. Il faudra ce soir que vous me donniez votre anniversaire ou la mort. Je n’entends pas déroger aux bonnes habitudes, il me faut votre petit gribouillis sur mon livre rouge, je le veux je le veux, entendez-vous. Je vous pardonne toutes les impertinences que votre jeunesse et votre beauté m’attirentb à cette seule condition. Baisez-moi toujours et aimez-moi, scélérat.
Il faut que vous ayez le diable au corps pour vous promener par cet affreux temps de pluie, de grêle et de vent. Il n’y a que vous pour faire ce commerce-là. Tâchez toujours de ne pas vous enrhumer ou je vous fiche des claques. Tâchez aussi de venir très tôt me faire enrager et soyez-moi très fidèle de corps, de cœur et de pensée comme je vous en donne moi-même l’exemple.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16344, f. 303-304
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « désinterressée ».
b) « m’attire ».

Notes

[1Cela fait quelques jours que Hugo est malade, souffrant manifestement d’un « échauffement ». Il prend donc des bains réguliers pour se soigner.

[2Le jeudi 8 avril 1841, Adèle Hugo écrit à Théophile Gautier : « Mon cher Monsieur Gautier, vous m’avez permis de vous rappeler une demande que je vous ai faite dans l’intérêt de mes mioches. Ils ont le plus vif désir de voir le fameux Fouillou. Si Le Maître d’école se donnait samedi prochain, peut-être y aurait-il plus de facilité d’obtenir une loge ce jour-là ? Car vous savez que nous sommes en semaine sainte, que dès lors l’on doit s’abstenir de toutes choses, même de théâtre. Venez-donc apprécier infiniment notre religion dans cette circonstance, j’en ferai grand cas aussi si vous veniez partager notre maigre. Mille amitiés. V(icomt)esse A. Victor Hugo » (Théophile Gautier, Correspondance générale, éditée par Claudine Lacoste-Veysseyre, Tome I, sous la direction de Pierre Laubriet, Droz, Genève-Paris, 1985, p. 242). Fouyou est un des élèves indisciplinés et ignares du Maître d’École, vaudeville en un acte de Lockroy et A. Bourgeois, représenté au théâtre des Variétés pour la première fois le 20 mars 1841, qui connut un vif succès et une centaine de représentations jusqu’au 30 juin 1841, une trentaine de fois jusqu’au 31 décembre 1841, et qui fut repris périodiquement encore en 1842. Le Moniteur des théâtres en rend compte le 24 mars 1841 et fait plusieurs fois allusion à son succès le 24 et le 31 mars, le 3 et le 7 avril 1841.

[3Victor Hugo est né le 26 février 1802, et Juliette l’a bien précisé le 26 février précédent. Il semblerait néanmoins que le poète contestait déjà la date.

[4À élucider.

[5Juliette conserve précieusement le moindre petit « mot » que Hugo lui écrit, le plus souvent à l’occasion des anniversaires, dans un petit dossier, le livre rouge.

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