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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 janvier [1841], jeudi matin, 11 h.

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher petit menteur. Vous êtes bien venu n’est-ce pas ? Voime, voime, fort gentil Toto.
J’ai déjà écrit mon linge et ma dépense, ma pendule avance [1] mais je vais me lever aussitôt après mon déjeuner pour nettoyera le veloursb [2]. Malheureusement, les stupides porteurs d’eau n’ont pas apporté de sable, parce que la rivière était trop haute, disent-ils. Les imbécilesc, comme si c’était une nouvelle [3]. Bref, ils en promettent pour tantôt mais je n’ose pas m’y fier et pour ne pas perdre de temps je vais commencer ce matin le lavage du veloursb à l’esprit-de-vin et le repassage à l’envers. Depuis que je t’ai vendu ce velours, je suis horriblement vexée car j’aurais voulu te le rendre beau et presque neuf. Mais rien ne me réussit, c’est embêtant.
Si tu n’avais pas signé l’émargement de tes émoluments hier, je t’aurais forcé à garder ton argent et à prendre mon veloursb tel quel, mais comme tu es plus riche que moi je garde mes scrupules et ton argent pour une meilleure occasion.
Toto, je vous préviens que si vous ne venez pas immédiatement après avoir lu ce gribouillis coucher avec moi, je vous ficherai des coups dans les os des jambes et partout ailleurs. Je suis furieuse, je vous en préviens. Ainsi, tenez-vous pour avertid QUE JE VOUS AIME.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16344, f. 61-62
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « nétoyer ».
b) « velour ».
c) « imbécilles ».
d) « avertis ».


21 janvier [1841], jeudi soir, 8 h.

Voici enfin que je m’assieds. Depuis onze heures du matin que je suis sur mes jambes, ça n’est pas malheureux. Mon pauvre bien-aimé, si tu savais quelle loyauté, quelle confiance, quel cœur et quellea âme j’apporte pour tout ce qui te regarde, tu n’aurais jamais d’inquiétude ni de soupçon sur ta pauvre Juju. Par exemple tout à l’heure, mon cher adoré, tu verras sur mon livre de dépense, à la date du 15 décembre dernier, à l’article toilette, 11 sous d’épingles noires à grosses têtes. Je te dis cela sans amertume, mon chéri, mais pour te faire voir que le petit nuage qui a courub sur ton beau front tantôt n’était pas de saison.
Maintenant, parlons peuzet parlons bien [4] : vous allez avoir un fameux paletot, filou, tout doublé en veloursc et le col et les revers du plus beau veloursc de soie neuf qu’on puisse trouver. Malheureusement il n’y en a pas assez pour les parements mais nous en trouverons encore du très frais dans toute la robe. Je n’aurais pas cru, sans le secours du sable, pouvoir en venir aussi bien à bout. Vrai, mon adoré, ça n’est pas pour me vanter mais je n’ai pas ménagé mes reins, mon dos, mes bras et mes mains pour vous faire une doublure magnifique. À part deux lis froissés on dirait la robe toute neuve. On pourrait en dire autant de mon amour qui, lui aussi, est plus brillant et plus fort que jamais. Je t’adore, mon Toto.

BnF, Mss, NAF 16344, f. 63-64
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « qu’elle ».
b) « courru ».
c) « velour ».

Notes

[1C’est un choix de Juliette Drouet, puisqu’elle le rappelle à de nombreuses reprises, et ce depuis plusieurs années (voir les lettres du 21 décembre 1840, du 15 janvier et 22 janvier 1841).

[2Juliette veut raccommoder un vieux paletot de Hugo.

[3La veille au matin, Juliette attendait déjà ce sable de rivière.

[4Jeu de mots de Juliette Drouet. Elle en fait régulièrement avec les liaisons, fautives ou non.

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