Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1838 > Mars > 4

4 mars 1838

4 mars [1838], dimanche après-midi, 2 h. ½

Je ne suis pas dans mon jour de bonheur aujourd’hui, aussi je me dispenserai d’aller à ta répétition, j’ai bien assez des chagrins qui viennent me trouver sans en aller chercher. Je voulais ne pas t’écrire, j’avais même résistéa jusqu’à présent mais je crains que tu n’interprètes mon silence autrement que ce qu’il serait et je me fais violence pour t’écrire quoi ? En vérité je ne sais, j’ai le cœur serré au point que rien de doux et de tendre n’en peut sortir. J’aurais mieux fait d’attendre un autre moment, un autre jour pour t’écrire. Je ne t’en veux pas, ce n’est pas ta faute, si je suis malingre et nerveuse. Ce n’est pas ta faute si je m’alarme facilement et si je vois l’épée de Damoclès suspendue sur ma tête, dans tous les regards de femmes qui s’arrêtent sur toi. Ce n’est pas ta faute, peut-être n’est-ce pas la mienne non plus. Enfin quoi qu’il en soit, j’ai gâché et gaspillé la matinée que tu m’as donnée ce matin. Je suis triste et souffrante et je prévois que cette journée aura des suites funestes pour notre amour et pourtant je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 129-130
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain.

a) « résister ».


4 mars [1838], dimanche soir, 6 h. ½

Tu es mouzon, moi je suis triste, il n’y en a pas un pour tendre la main à l’autre, Dieu sait ce que cela deviendra. Je souffre de maux inouïs par touta le corps et principalement dans les parties qui ne se voient pas, le cœur et l’âme, mais à quoi bon me plaindre à toi ? Tu n’es pas disposé à compatir à mes maux, encore moins à les guérir. Je t’ai trouvé plus que glacial et quoique les équivoques soient faciles à faire sur moi après l’aventure de ce matin, je n’en suis pas moins douloureusement affectée et découragée, et pourtant je ne t’ai jamais plus aimé ni plus adoré.

Dimanche, 10 h. ½ du soir

J’avais interrompu ma lettre pour dîner parce que Mme Pierceau m’attendait ; depuis, sa cousine est venue, et enfin me voilà libre de t’écrire. J’en profite, comme tu vois, malgré les distractions et les causeries de cette soirée. Je n’en suis pas moins très triste en dedans de moi. J’ai besoin de te voir et quoique je sois sûre que tu seras aussi froid et aussi morose que tantôt, je n’en désire pas moins te voir. Je baiserai tes mains, je baiserai tes pieds, je baiserai toute ta personne adorée. Si tu ne me rends pas, ce sera très cruel.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 131-132
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « partout ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne