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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 octobre [1837], mardi, midi ½

Me voilà à ma petite besogne, mon cher petit homme. À peine êtes-vous parti que je reprends de moi-même et à mon insua mon petit train-train : penser à vous, vous aimer et vous désirer. Voilà une bonne nuit et un bon commencement de journée de passés. Il faudrait pour être parfaitement heureux pouvoir continuer la vie comme cela jusqu’à VITAM ETERNUM [1]. Le bon latin ne gâte jamais rien. Aussi, quand je trouve l’occasion d’en glisser un petit zeste dans la conversation, je ne manque pas mon coup. Je disais donc, mon cher petit homme, qu’il faudrait que la fin de la journée fût en tout pareille au commencement pour être bien heureux et bien GEAISb. Malheureusement, en voilà pour longtemps. Aussi vais-je m’enfermer dans mes souvenirs de la MATINÉE jusqu’au moment où vous m’apporterez du bonheur frais et nouveau.
Il est possible que j’envoie la bonne aujourd’hui chez Mme P [2]. savoir si elle peut nous procurer de la flanelle. J’ai hâte de voir ce pauvre petit bien-aimé [3] enveloppé des pieds jusqu’à la tête de vraie flanelle. Je suis sûre que cela lui fera un bien énorme et à toi aussi si tu voulais vaincre ta répugnance et ta paresse pour tout ce qui concerne ton bien-être. Je t’aime mon Victor adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 281-282
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « insçu ».
b) « GEAIES ».


17 octobre [1837], mardi soir, 7 h. ¾

Cher petit homme, vous êtes bien gentil, bien aimé et bien attendu ce soir. Seulement vous étiez bête et taquin tout à l’heure quand vous me disiez des bêtises pour me faire enrager. Je vous pardonne parce que vous soupez avec moi ce soir, sans cela je vous garderais une rancune longue de plus de deux années. Je ne comprends pas encore beaucoup la nécessité d’emporter ce journal pour travailler. Toto VOUS ME TRAHISSEZ ! Prenez garde à vous, cher petit homme adoré. Je suis touta heureuse et toute fière de penser que tu vas venir tout à l’heure. Il me semble que le roi n’est pas même mon petit cousin [4]. Je suis geaie, QUEL BONHEURb ! Soir pa, soir man. Il serait cependant utile qu’on sût l’aunage qu’on doit acheter pour la flanelle [5]. Il paraît aussi que Mme Krafft a besoin de son modèle pour un petit garçon dans le même cas. Tu pourrais il me semble dire que ta marchande t’a prêté ce modèle et qu’il faut que tu le lui rendes tout de suite. Au reste tu sais mieux que moi comment il faut faire. Moi je ne sais que t’aimer, hors cela je suis bête comme un pémoch [6] armoricainc. Je baise tes yeux, ta bouche, ta langue, tes dents, tes mains, tes pieds et le rested…………

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 283-284
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « toute ».
b) Ces deux mots couvrent à eux seuls toute la ligne.
c) « armoriquain ».
d) Les douze points qui suivent ce mot sont disposés de manière à couvrir toute la place restante sur la dernière ligne.

Notes

[1Assimilation des expressions latines « ad vitam æternam » et « in æternum ».

[2Mme Pierceau.

[3Il peut s’agir de François-Victor, alors âgé de 9 ans et qui semble avoir été malade dans les jours précédents (voir la lettre du 5 octobre).

[4Reformulation amplificatrice de l’expression « le roi n’est pas mon cousin » (pour dire un état de satisfaction et de plénitude qui suit la réalisation d’un souhait comblé après une longue attente).

[5Juliette a l’intention de faire faire un vêtement en flanelle pour François-Victor malade ou convalescent (voir la lettre précédente).

[6« Pémôc’h » : mot breton pour « porc », « cochon ».

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