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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 22 décembre [18]63, mardi matin, 9 h.

Rebonjour, mon cher petit Javert ; je vous demande pardon pour cette dernière infraction aux ordonnances de votre police sur les tapis qu’il ne faut pas que JE secoue par la fenêtre. Cela ne m’arrivera plus, je vous le jure, dût-il être rongé par la poussière et moi zavec. Ne soyez pas inflexible, souriez-moi, battez-moi, mais aimez-moi car J’AI PAS MÉRITÉ LA MORT. Tu as raison de me gronder, mon amour adoré, de ma désobéissance non préméditée mais inspirée par le sentiment naturel de la propreté et le désir que tout soit fini chez moi pendant que Mme Chenay viendra collationner [1]. Cependant comme il est juste que je ne te tourmente pas puisque tu as la bonté de m’occuper de ma santé jusque dans ces petits détails je te promets de m’abstenir absolument désormais. En attendant je voudrais savoir si tu as passé une bonne nuit sans insomnie comme la mienne. Voilà deux nuits de suite que je dors comme une marmotte, je voudrais bien qu’il en fût de même pour toi, mon cher petit piocheur enragé. Je voudrais que tu fusses aussi heureux que tu es grand et bon. Je voudrais avoir l’âme de l’univers pour t’aimer à moi toute seule dans ta gloire, dans ton génie, dans ta personne, dans le passé, dans l’avenir et dans l’éternité et encore je crois que mon propre amour s’y trouverait trop à l’étroit tant je t’aime de tous les amours à la fois. Ma pensée trahit mon cœur et dit mal ce que je sens si bien mais je sais que tu ne peux pas te méprendre sur ce mot-là : JE T’AIME. Quand je te verrai, mon cher petit homme, je te le répéterai dans un baiser, jusque-là je m’épêche, je m’épêche, mais sans rien faire contre ton règlement sanitaire car je tiens à ne pas te mécontenter AU CONTRAIRE. Je t’aime, [pardonne-moi  ?].

BnF, Mss, NAF 16384, f. 289
Transcription de Gérard Pouchain

Notes

[1C’est la collation de William Shakespeare qui va commencer.

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