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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 mai [1849], mercredi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon tout bien aimé, bonjour, mais pas beau jour car il pleut à versea et le ciel est tout noir. Comment vas-tu mon adoré ? Je ne me suis couchée qu’à 11 h. hier dans l’espoir que tu viendrais, mais j’en ai été pour mes frais de veillée. Cependant, je ne t’en veux pas parce que je comprends que, revenant avec ta famille et tard, tu ne peux guère ressortir de chez toi une fois rentré. D’ailleurs, je serai bien dédommagée si tu restes avec moi vendredi.
Tâche d’arranger tes batteries pour cela, mon adoré, tu ne peux pas te figurer quelle serait ma joie si tu pouvais me donner cette journée de bonheur. Je te le répète à satiété sans m’en apercevoir tant mon désir de voir se réaliser cette bonne promesse me préoccupe. Ô je t’en prie, fais tout ton possible pour que ce soit. Tu as vu que je t’ai donné une marque de confiance hier et que je m’en suis rapportée à toi pour le dîner de Robelin ? Ce beau trait mérite une récompense. Aussi, je te tiendrai quitte de tout si tu me donnes vendredi et toi toute la journée de 12 heures. J’espère dans ce cas-là que le bon Dieu ne voudra pas gâter notre bonheur par un temps indigne d’un si beau projet. Je l’espère et j’y compte de toutes mes forces. Mon H, je veux mon H tout de suite, voilà bien longtemps qu’elle passe et repasse devant mon nez majestueux sans avoir l’air de le voir mais il s’insurge à la fin et veut l’arrêter au passage. Je vous conseille de ne pas vous refuser à sa trop légitime exigeanteb et de lui donner votre H au premier tour. D’ici là je veille, Toto, prenez garde à vous et à votre Poléma de l’entresol. Je ne vous dis que cela : prenez garde !

Juliette

MVHP, MS a9043
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

a) « averse ».
b) « exigeante ».


2 mai [1849], mercredi soir, 8 h. ½

Je veux te dire un petit bonsoir avant de me coucher, mon Toto, il me semble que je me rabiboche du temps que la pluie m’a fait perdre ce soir. Là, vraiment, conviens que je n’ai pas de chance dans tout ce que je fais et pourtant, Dieu sait la peine que je me donne pour arriver à te voir quelques minutes tous les jours, témoin aujourd’hui où les jambes me rentrent dans le ventre sans parler de mon pauvre pied qui me fait souffrir le martyre. Tout cela pour aboutir à une mystification et à six sous d’omnibus : vrai, c’est décourageant et je t’assure que ce soir les larmes me sont venues plus d’une fois aux yeux. Je reconnais que ce n’est pas ta faute, mon cher adoré, que tu fais tout ce que tu peux mais ce que tu peux ne peut rien contre le guignon qui me suit en toute chose. Mais ce n’est pas pour te dire toutes ces doléances que j’ai voulu te gribouiller cette feuille de papier ce soir. C’est au contraire pour te dire toutes sortes de tendresses et pour te remercier de tous les efforts que tu fais pour me rendre heureuse. Certes, si tu n’y parviens pas, ce n’est pas faute de bonté et de bonne volonté. J’ai voulu te dire tout cela avant de me coucher, mon cher petit homme. Maintenant, je te supplie de penser à moi du fond de ta politique et des élections [1] et de m’être bien fidèle de corps, de parole, d’action, de pensée, de cœur et d’âme. Bonsoir, mon amour, à demain, tâchez de venir de bonne heure. De mon côté, je serai prête à midi sonnant. Je vous baise d’ici là autant de fois qu’il y a de secondes dans les heures.

Juliette

MVHP, MS a9044
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

Notes

[1Les élections législatives auront lieu le 13 mai 1849. Hugo y sera élu 10e avec 117 069 voix.

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