Guernesey, 13 novembre [18]63, vendredi matin
Bonjour, mon inépuisable doux adoré, bonjour avec tous les attendrissements de mon âme, avec tout l’amour de mon cœur, bonjour, je te souris, je te bénis, je voudrais mourir pour toi si ma mort pouvait ajouter un rayon à ta gloire ou un bonheur dans ta vie. Tu fais tout pour me rendre heureuse et je le suis au-delà de tout ce que tu peux faire si tu m’aimes. Le reste est le superflu splendide que tu me prodiguesa avec une générosité et une grâce qu’aucun des bons génies des légendes ne pourraitb atteindre. Je ne t’en remercie pas, mon grand adoré, je t’aime, toute ma vie est dans ce mot-là : JE T’AIME. Me voici donc à la tête d’une seconde servante, hélas ! hélas !! hélas !!! autant qu’une créature peut déplaire à première vue, elle l’a fait à moi. Peut-être ai-je tort. Je désire avoir tort mais cette espèce de femme (une Rosalie bretonne) m’est particulièrement antipathique [1]. Je crains bien que ni moi ni elle puissions jamais nous entendre. Ma pauvre sœur a fait là, très obligeamment, un mauvais choix. Je seraisc bien agréablement surprise s’il en était autrement mais je ne l’espère pas. Justement les voici toutes les deux. Je finirai ma RESTITUS tantôt.
2 h. ¼ après-midi
Mon pauvre grand adoré, je n’ai rien à retrancher du premier paragraphe de ce gribouillis et rien à modifier dans celui qui précède celui-ci. Tout est dans le même état dans mon cœur pour toi et dans mon opinion sur cette très maussade Bretonne. Quantd à ma sœur c’est une bonne vieille qui m’aime et que j’aime et voilà.
J.
BnF, Mss, NAF 16384, f. 252
Transcription de Gérard Pouchain