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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 23 novembre 1855, vendredi, midi ¼

Cher adoré bien-aimé, à défaut du soleil absent, je t’envoie mon plus doux sourire ; tu as déjà tout mon cœur et toute mon âme que je te donne pour te garder de tout mal et te préserver de tout chagrin en cette vie et dans l’autre.
Comment as-tu passé la nuit, mon cher petit homme ? Quant à moi, j’ai été en proie à l’insomnie la plus énervante et je croyais presque ne pouvoir pas me lever tant j’étais courbaturée et fiévreuse. Mais depuis que je me suis secouée et que j’ai déjeûné il n’y paraît plus et j’ai presque l’air d’une personne naturelle. Je suis sûre même que je serais très JOLIE si tu me promettais de dîner avec moi ce soir. Telle est l’influence du bonheur sur moi. Malheureusement je sais que cela n’est pas possible à tous les points de vue. Aussi je me résigne en murmurant, en murmurant. Pour me consoler, je vais achever de copire la chose du gros Charlot [1] mais ça ne fait toujours pas mon compte. J’ai eu tout à l’heure l’occasion d’être très aimable avec le Juvénal Cahaigne en échangeant un bonjour avec lui, ce dont il a paru touché. Jusqu’à présent je n’ai pas beaucoup compris l’antipathie quasi hautaine du petit Préveraud à l’endroit de ce classique démocrate. Quant à moi, je tiens à rester en parfaite politesse avec ce SUSCEPTIBLE bonhomme afin de n’avoir rien à démêler avec son amour-propre plus ou moins rancunier. Ai-je bien fait mon maître ? Oui, grosse Juju. Merci. En attendant, je m’épêche autant que me le permet l’accès sternutatoire qui s’est emparé de moi depuis cinq minutes et qui fait pouffer de rire la petite Préveraudea [2]. ATCHI ! ATCHI ! ATCHIIIIb ! Voilà mon mouchoir tout mouillé, c’est donc amusant ? Prenez garde d’en faire autant, mon cher petit homme, en vous exposant au brouillard et au froid. Tâchez bien plutôt de venir vous sécher ici et vous réchauffer à force de baisers et d’amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16376, f. 368-369
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa

a) « Préverote ».
b) Quatre I courent jusqu’à la fin de la ligne.

Notes

[1Juliette fait aussi de la copie pour Charles Hugo, arrivé à Guernesey le 2 novembre.

[2Juliette désigne ainsi Mme Préveraud.

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