2 mars 1861

Guernesey, 2 mars 1861, samedi matin, 9 h.

Bonjour, mon cher adoré, bonjour et joie si tu as passé une bonne nuit comme je l’espère, d’après tes bonnes dispositions d’hier au soir. Il faudra bien que ce vilain bobo se déclare vaincu, un jour ou l’autre et le plus tôt serait le meilleur pour toi, mon pauvre patient, pour moi, ta pauvre impatiente. Voilà un temps fait à souhait pour ta gorge, c’est-à-dire pour ton estomac, puisque ton véritable mal est là ! Tu pourras marcher sans crainte du vent et de la pluie aujourd’hui, mon cher petit homme, ce qui te fera beaucoup de bien. Tu me diras, tout à l’heure, comment a agi ton chicotin, si tu te sens un appétit de loup. Pauvre bien-aimé, voilà bien des fois que mes chères espérances sont détruites par les petites rechutes successives de ton mieux au moins bien, mais cela ne me décourage pas, bien loin de là ; et je me sens plus confiante que jamais ce matin, dans l’espoir de te voir bientôt guéri. En attendant, mon pauvre doux souffrant, je viens de faire prendre pour toi, dans le nid, un œuf tout chaud pondu et je t’attends le cœur et l’âme sur les lèvres et dans les yeux.

BnF, Mss, NAF 16382, f. 60
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette