16 mars 1862

Guernesey, 16 mars 1862, dimanche, 8 h. ½ du m[atin]

Bonjour, vous qui me gagnez tout mon argent, bonjour. Avisez–vous en même de temps de n’avoir pas bien dormi et de ne pas vous porter comme dix-mille Ponts-Neufs. Et puis vous verrez de quoi il retourne. À tout prix je veux que vous me donniez cette satisfaction. Quant à moi qui n’ai pas les mêmes raisons je n’en n’ai pas moins eu les Bénéfices d’une excellente nuit et d’une santé énorme et je vous le prouve en soulignant jusqu’à votre nez et à votre belle barbe les lourdes niaiseries que je n’ai pas la prétention de vous faire prendre pour de fines et de légères plaisanteries. Heureusement que vous êtes fort et que rien ne vous pèse pas même mon amour.
Cher adoré, j’ai hâte de revenir à mon allure naturelle en te disant tout doucement et tout tendrement que tu es la joie de mon âme ma vie et mon bonheur, ton cher petit Toto [1] a dû être bien heureux hier de la charmante et riche surprise que tu lui a faite, quant à moi j’en ai joui^a autant et plus encore peut-être que si elle avait été pour moi. J’espère que ce brave et digne enfant ne se préoccupe pas trop de notre pauvre voisine [2], cependant je lui ai trouvé l’air triste toute la soirée. Peut-être est-ce par la crainte que j’en ai et qu’au fond il n’en est rien. Espérons-le car après toi, mon adoré bien aimé, ce sont tous ceux qui t’appartiennent que j’aime et qui m’intéressent.

BnF, Mss, NAF 16383, f. 68
Transcription de Marie Legret assistée de Florence Naugrette

a) « jouie ».