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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 16 janvier 1861, mercredi matin, 9 h.

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour. Puisse la bacchanalea de cette nuit ne t’avoir pas empêché de dormir et ton rhume avoir été emporté avec armes et bagages. Alors je serai bien contente et je me frotterai les mains, non plus seulement pour me les réchauffer, mais pour témoigner de mon bonheur. En attendant, j’espère que ta gorge [1] ne va pas pire, au contraire, et qu’elle sera guérie en même temps que ton rhume. Pour cela il ne faut pas trop courir sur la montagne ni trop faire gigoter vos sublimes petites pattes de mouches quitte à faire attendre Les Misérables quelques jours de plus à la curiosité et l’admiration universelles. Tel est mon docte avis, n’en déplaise au docteur Corbin et à vous, mon cher petit malade. Si vous ne le suivez pas alors c’est moi qui vous suivrai et qui aurai mal à la gorge et qui m’enrhumerai à gogo [2]. Déjà j’y suis toute préparée et il ne me faut plus qu’un éternuement pour vous rattraper si vous ne revenez pas tout de suite à la santé. Ah ! Mais, c’est que je le ferais comme je le dis voyez plutôt : Atchi ! Atchi ! Atchi ! Ça n’est pas plus malin que ça et on est parfaitement enrhubé pour le reste de ses jours. Juju

BnF, Mss, NAF 16382, f. 14
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

a) « le bachanal ».


Guernesey, 16 janvier 1861, mercredi, 11 h.

Ceci n’est point une RESTITUS D’HONNEUR comme vos rouges [3] mais une simple restitus de rabiot à mon profit dans laquelle je me goberge avec joie. Cher adoré, je ris dans l’espoir que tu vas m’apporter ta bonne petite mine rayonnante de santé. S’il en était autrement, hélas ! ma jocosité [4] rentrerait bien vite ses cornes et je sens que la tristesse reprendrait le dessus... Justement te voilà. Quel bonheur ! Quel bonheur puisque tu vas de mieux en mieux, mon pauvre adoré, malgré ce temps inhumain. Encore quelques jours de patience et tu seras tout à fait hors de tes bobos. Quant à moi je compte bien m’arrêter sur le seuil de mon rhume dès aujourd’hui et ne pas pousser plus avant la démonstration de l’association en matière de CORYZAb. Sur ce, mon cher petit homme, je vous quitte pour préparer mes cliques et mes claquesc afin d’être toute prête quand vous reviendrez tout à l’heure. JE T’AIME, TOI.

BnF, Mss, NAF 16382, f. 15
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

a) « jocquosité ».
b) « CORRIZA ».
c) « mes cliques et mes claques ».

Notes

[1C’est à partir de ce jour, le 16 janvier, et à la suite des mêmes maux de gorges depuis le début de l’année 1861 que Victor Hugo décide de laisser pousser sa barbe : « je laisse pousser ma barbe pour voir si cela me protègera contre les maux de gorge. Il y a en ce moment en Angleterre parmi les clergymen ce qu’on appelle le mouvement des barbes. » (CFL, t. XII, p. 1356.)

[2Menace de Juliette qui est mise à exécution le lendemain 17 janvier : « JJ. est enrhumée ». (CFL, t. XII, p. 1356.)

[3À élucider.

[4Jocosité : joie, gaîté.

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