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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 mars 1839

18 mars [1839], lundi matin, 11 h. ¾

Bonjour, mon cher adoré, comment vas-tu, mon bien-aimé ? Quand je vous le disais que vous ne reviendriez pas, je ne me trompais pas, malheureusement, aussi, je vous dis que vous êtes une vieille bête et je ne me trompe pas encore. Voilà. J’ai fait pousser des cris de joie à Suzanne qui ne pouvait pas revenir de tant de magnificence. « Voilà-t-y, voilà-t-y, voilà-t-y, oh ben et rien à payer encore, c’est joliment genti. Oh ! Je vous remercie ben madame. » Et sur ce, la pauvre créature est partie chez sa tante lui porter le billet. Je suis sûre que sesa pieds ne touchent pas le pavé. Quantb à moi, qui ne veuxc pas faire les choses à moitié, me voilà pour toute la soirée seule à moins que vous ne me fassiez la même surprise que je fais à Suzanne, de m’emmener à Ruy Blas depuis le commencement jusqu’à la fin [1]. Mais je ne l’espère pas et je me résigne tant bien que mal à rester toute ma soirée seule et même à me servir à dîner moi-même. Je vous aime, mon petit homme, je vous adore, mon bien-aimé, je n’ai qu’une crainte mais elle est SOIGNEE, c’est que vous ne soyez plus amoureux de moi ? Vous êtes toujours bon, toujours généreux, toujours doux et charmant mais vous n’êtes plus amoureux. Ô ne me dis pas « oui » car j’en mourrais. Il y a encore si loin de ma crainte à la certitude que je ne sais pas ce que je ferais s’il m’était prouvé que tu ne m’aimes plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 275-276
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « ces ».
b) « Quand ».
c) « Veut ».


18 mars [1839], lundi après-midi, 4 h. ½

À peine étais-tu parti, mon adoré, que le petit Pierceau est arrivé escorté de sa bonne pour me dire que sa mère allait venir, et pour m’expliquer pourquoi elle n’était pas venue hier. Heureusement que j’ai tout mon dîner fait d’hier et par conséquent j’ai pu laisser aller cette pauvre Suzanne à Ruy Blas. Elle en avait les larmes aux yeux en m’offrant de rester mais j’ai été grande et le je l’ai laisséea aller. D’ailleurs la petite Pierceau nous servira. Si vous étiez le plus ravissant des Toto, vous nous mèneriez ce soir à la Renaissance [2], mais hélas je ne l’espère pas. Je vous écris de bonne heure pour pouvoir aller sans regret au théâtre ou promener avec vous dans le cas où vous seriez le plus aimable des hommes comme vous en êtes le plus aimé. Soir pa. Je vous aime de toutes mes forces. J’ai dans ce moment-ci Résisieux qui joue avec le petit Pierceau. Moi je vous désire et je ne vous ai jamais, c’est bien ennuyeuxb. Si j’avais un mauvais CARACTERE je grognerais, mais comme je l’ai très bon, je ne fais que soupirer comme une pauvre pigeonne sans son pigeon.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 277-278
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « laissé ».
b) « ennuieux ».

Notes

[1La dernière de Ruy Blas aura lieu le 26 mai 1839.

[2Théâtre de la Renaissance où était joué Ruy Blas.

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