21 février 1882

Paris, 21 février 1882, mardi-gras^a, matin, 8 h. ½

Cher bien-aimé, c’est encore aujourd’hui fête pour nos cœurs ; car si la date du 16 février est passée depuis cinq jours, celle du mardi-gras [1]commence ce matin et nous lui devons un hommage particulièrement tendre et reconnaissant. Aussi, malgré la désertion de ton cher groupe de là-haut, je prétends le fêter en compagnie de tous nos doux et chers souvenirs. Il ne tiendra pas à moi que ce petit bout de fête intime n’atteigne les proportions de la fête nationale du 26 février prochain [2], en attendant de remettre un peu d’ordre dans ma santé qui est vraiment lamentablement détraquée. J’ai déjà commencé ce matin par un bon gros baiser sur ton épaule que tu as dû sentir à travers ton rêve puisque tu y as répondu par un petit murmure de tendresse. Je vais continuer cette hygiène en t’aimant à jet continu et en mangeant une forte soupe que je tâcherai de garder. Voilà, mon tout adoré, de quoi arriver en bonne disposition pour l’orgie préméditée de ce soir, avec l’aide de Dieu, des deux Bérard-Varagnac et des deux Lesclide comme prophètes… de bonheur. Le temps si beau hier est un peu grimaud ce matin. Mais notre belle humeur n’aura pas, je l’espère, besoin de son concours puisque je t’adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16403, f. 6
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) Souligné deux fois.