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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 décembre [1844], lundi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour, mon amour bien-aimé, bonjour toi bonjour vous comment que ça va ? Je veux que vous alliez bien et que vous n’ayez pas froid. Après cela je devrais vous souhaiter toutes sortes de bonnes onglées au bout du nez pour vous apprendre à ne pas m’apporter La Presse [1] après m’avoir dit qu’elle était dans vos fouillis de journaux. Une autre foisa vous garderez vos épluchures pour vous. Je n’ai pas besoin moi de vos cochonneries. Si elles ne sont pas assez bonnes pour vous elles ne sont pas meilleures pour moi. Vous entendez ça. Vraiment je ne sais pas pour qui vous me prenez. Taisez-vous je n’aime pas qu’on me manque de respect de cette façon. C’est trop ou TROP PEU. Taisez-vous, insolent, taisez-vous tout de suite. J’attendais Eulalie ce matin mais il paraît que le mauvais temps l’aura effrayée. Je voudrais pourtant faire arranger tes chemises. Nous verrons si elle sera plus brave demain. Quant à toi, mon bon petit homme chéri, il faut endosser ton bon paletot et ne venir que de chez toi chez moi en prenant garde de ne pas glisser car le moins qu’il puisse arriver dans une chute de ce temps-ci ce sont de bonnes contusions. Tu feras bien d’être prudent, mon cher petit, et de marcher le moins possible.
M’aimez-vous ? M’aimes-tu, m’aimes-tu, m’aimes-tu ? Prenez garde à votre réponse, scélérat, prenez-y garde. Ne vous trompez pas si vous tenez à vos précieux jours. Je suis décidée à tout le jour où vous ne m’aimerez plus.
Chère âme, ma joie, mon bonheur ma vie j’ai besoin que tu m’aimes pour vivre. Je t’adore moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 131-132
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « autrefois ».


9 décembre [1844], lundi soir, 4 h. ¾

Je prévois bien des devoirs tristes et douloureux pour toi mon pauvre adoré. Puisse celui-ci être le dernier. Depuis quelques années tu es mis à de rudes épreuves, mon noble et généreux Victor. Il faut espérer que ce dernier chagrin clora toutes les mauvaises chances de ta vie. Il n’est que trop probable que tu passeras encore cette nuit chez ton beau-père [2] ? C’est un devoir pieux et sacré auquel je m’associe en me résignant à ne pas te voir. C’est le plus grand sacrifice que je puisse faire au monde. À mon propre père, à mon enfant je ne pourrais pas en faire de plus grand et de plus pénible car j’ai besoin de te voir comme j’ai besoin de respirer encore plus même. Je t’attendrai, comme je t’attends toujours avec l’amour plein le cœur, plein les yeux et plein les lèvres. Si le bon Dieu voulait que ce pauvre vieillard aille mieux tu viendrais et je serais bien heureuse. Si je ne te vois pas je te sauraia tristement occupé et je prierai le bon Dieu pour vous tous. Mais de près ou de loin, mon Victor adoré, ma pensée et mon amour sont avec toi. Mme Luthereau m’a renvoyé mon manchon tantôt avec une petite lettre de remerciements. La pauvre femme aurait dû le garder encore car le froid n’est pas moins rigoureux qu’il y a huit jours, au contraire. Et quant à moi, je sors si peu que ce serait un bien grand hasard si cela me privait dans ce moment-ci. Enfin le voilà. Je te dirai chemin faisant que le Duchatel vend du gaz liquide à tous ceux qui veulent lui en acheter et au même prix que chez le marchand en chef. Tu peux y envoyer ton domestique. Et puis je t’aime mon Victor tu le sais bien n’est-ce pas ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 133-134
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « saura ».

Notes

[1Quotidien fondé en 1836 par Émile de Girardin.

[2M. Foucher, beau-père de Victor Hugo, est retenu au lit par la maladie. Son gendre le veille parfois la nuit.

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