12 novembre 1864

Guernesey, 12 novembre [18]64, samedi matin, 7 h. ¾

Rien, rien, rien, pas plus de Toto que sur la main ; et madame Juju, qui bisque entre cuir et chair, est très contente au fond de l’âme qu’on se goberge et qu’on ronronne au fond de son lit tout en faisant un pied de nez au soleil qui resplendit à l’horizon. Bonjour donc, cher petit PARESSEUX, bonjour et bonheur si vous avez passé une très bonne nuit comme je l’espère malgré votre flânerie dans le dodo.
Quel beau temps, mon cher petit homme ! On se croirait au mois d’avril et de mai plutôt qu’en novembre et demi. L’année qui vient aura fort à faire^a pour dépasser celle-ci et même pour l’égaler en beauté et en douceur. Quant à moi, quoi qu’elle fasse et quoi que fassent les autres après elle, je garderai toujours le souvenir de cette chère année 1864 si remplie de rayons, de sourires, de bonheur et de bénédictions. Si tu le veux et si tu le peux, surtout, nous ferons une promenade commémorative jusqu’à notre colonne tantôt. En attendant je vais faire force de voile et de rame pour finir toutes mes affaires du samedi d’ici-là. Je viens de mettre ton café en bouteille, tout à l’heure je ferai ton eau pour tes yeux, c’est-à-dire le petit ménage qui en dépend. Puis je déjeunerai^b en lisant les journaux pendant que Suzanne ira au marché. Mais comme c’est intéressant ce que je te dis là et comme cela doit t’amuser de l’écouter. Voime, voime, drès apussant [1]. Eh bien, alors, FICHEZ-VOUS DANS LA BOULE que je vous aime, que je vous adore, que je vous baise de la tête aux pieds et n’en demandez pas davantage.

BnF, Mss, NAF 16385, f. 233
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « fort affaire ».
b) « je déjeûnerai ».