16 décembre 1858

Guernesey, 16 décembre, jeudi matin, 9 h.

Bonjour, mon Victor bien-aimé, bonjour avec tout l’amour et toute la confiance de mon cœur et de mon âme. Je t’aime et je te crois. Comment vas-tu ce matin, mon doux adoré ? As-tu mieux dormi cette nuit que l’autre ? J’espère que oui malgré les fatigues de toutes sortes qui pleuvent sur toi en ce moment de l’année plus encore que dans tout autre temps. Heureusement la plupart^a cesseront d’ici à quelques jours. Il ne te restera plus qu’à songer à ton voyage, ce qui ne sera pas une mince affaire à régler quoiqu’elle ait l’air fort simple au premier abord. Mais ta maison, mais ta famille, mais ton travail, tout cela demande un classement particulier qui va encore beaucoup te fatiguer et te tourmenter. Hélas ! il paraît qu’il en est^b de la santé comme de la beauté, il faut souffrir pour être belle et souffrir pour se bien porter. J’entends souffrir VOLONTAIREMENT et pour éviter l’amphibologie de la maladie, ce qui n’est pas tout à fait la même chose et encore moins volontaire. Enfin, si au bout de tout cela tu dois avoir une santé de bronze à l’épreuve de toutes les mauvaises influences, tu n’auras pas perdu ton temps et je ne regretterai pas ta peine, mais puisque tu te décides à ce voyage, je crois que le plus tôt sera le mieux. Quant à moi, je suis prête dès aujourd’hui, il me suffit d’emporter mon cœur et MES QUILLES.

Bnf, Mss, NAF 16379, f. 349
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette

a) « plus part ».
b) « ait ».