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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 juillet [1837], samedi matin, 9 h.

Bonjour mon cher petit Toto. Comment va ta chère petite tête ce matin ? As-tu pu un peu te reposer au moins ? Tu dois être bien fatigué mon cher petit homme adoré. Et jamais tu ne te plains. Tu es vraiment un pauvre ange courageux et dévoué. Si jamais je deviens riche, je vous donnerai de quoi que j’aurai. Il est à présumer que ce ne sera pas de si tôta. On ne peut pas tout avoir d’ailleurs. Je suis trop bien partagée de votre côté pour ne pas l’être très mal de tous les autres. Nous étions bien gentils cette nuit en faisant nos petites réflexions sur le plus ou le moins de difficultés à faire notre voyage. On aurait dit vraiment que nous étions déjà dans notre CABRIOLET consultant notre fameuse carte. Que sera-ce donc si nous le faisons réellement ! QUEL BONHEUR ! Jour mon To, jour mon gros to. Voici le bain. Je vais m’y plonger tout à l’heure. Il fait un temps des plus venteux. Je crois le feu d’artifice bien aventuré. Au reste, cela m’est plus qu’égal, seulement je crains que ce ne soit un prétexte suffisant pour vous pour ne pas venir. Je vous connais, mon vieux Toto, je vous connais comme si je vous avais fait. Je ne veux cependant pas crier avant qu’on ne m’écorche [1]. J’attendrai patiemment jusqu’à tantôt, et puis si vous ne venez pas, je grognerai sur tous les tons. Je vous aime mon petit Toto, croyez-le bien parce que c’est bien vrai. Je vous aime de toute mon âme. Jour pa, jour man. Je vous baise.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 115-116
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein


a) « sitôt »


29 juillet [1837], samedi soir, 7 h. ½

Je t’écris à la hâte, mon cher petit homme, pour avoir l’air de compter sur ta promesse mais en réalité je n’y crois pas et ce que j’en fais ce n’est que pour la forme. Vous avez donc été très gentil tout à l’heure ? Si vous le croyez, cela suffit. Si vous ne le croyez pas, moi non plus. Nous sommes à deux de jeu. Jour mon ravissant petit homme. Je t’aime, tiens, et toutes les bouderies que je veux te faire ne tiennent pas contre mon cœur débordant d’amour. J’aime mieux avoir moins de dignité et plus de bonheur, et j’en ai un bien vif à te dire que je t’aime de toute mon âme et de toutes mes forces. Je ne sais pas si tu viendras, je ne le crois pas mais dans tous les cas je te promets d’être très bonne et très geaie à quelque heure que tu viennes. J’espère que c’est de l’amour, ça. Est-ce que vous me prenez pour une COCOTTE ? VAS-Y VOIR, DIT-ELLE.
Savez-vous ce que vous devriez faire ? Ce serait de venir déjeuner avec moi demain. Je t’assure que ce sera très gentil. Je ne m’explique pas davantage, mais dans l’état où sont les choses ce serait charmant. Soir pa, soir man. Je baise toutes vos beautés d’un bloc, je suis pressée.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 117-118
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

Notes

[1Référence au proverbe selon lequel l’anguille de Melun crie avant qu’on ne l’écorche. C’est donc se plaindre d’un mal avant qu’il n’arrive. Sur l’origine du proverbe, voir la note au bas de la lettre du 4 mai après-midi, dans laquelle Juliette utilise la même expression.

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