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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 octobre [1844], jeudi soir, 4 h. ½

Pour t’obéir, mon bien-aimé, je ne t’ai pas écrit ce matin, voulant donner le temps à mes yeux de se bien guérir. Ce soir, ce n’est presque plus rien et j’espère que d’ici à quelques jours, il n’y paraîtra plus. Mon cher bien-aimé, tu as été encore cette fois-ci adorablement bon et charmant pour moi. Il n’est pas jusqu’au petit garde-vue vert qui ne soit une attention délicate. Je le dis sans rire car c’est là le fond de ma pensée. Pauvre ange bien aimé, tu es aussi bon que tu es beau, noble et grand. Il faut me laisser te le dire ici à mon aise. Je ne te le dirai d’ailleurs jamais autant que tu le mérites et autant que je le sens.
C’en est fait, mon Toto, ma cheminée est ouverte et flambe depuis un quart d’heure. J’avais décidément trop froid et cela m’obligeait à me coucher trop tôt. Maintenant je pourrai t’attendre toute la nuit s’il le faut et je ne serai pas couchée. Voilà, mon cher bijou, l’événement de la journée. Je ne parle pas du plus hideux et du plus vexant. C’est de n’avoir pas ma médaille [1] quoiqu’on me l’eût promise pour hier. Je gifleraia de bon cœur le Barbedienne si je le tenais pour lui apprendre à se jouer de mon impatience à ce point. Maintenant il faudra que j’attende son bon plaisir puisqu’il a fait savoir qu’il me l’enverrait quand elle serait prête sans indiquer le jour. C’est bien agréable. Que le diable l’emporte, ce hideux bonhomme. À propos, mon cher petit Toto, tu as oublié ta clef. Ne va pas croire que tu l’as perdue et te donner la peine de la cherchez car elle est là sur ma table.
Tu es sans doute à l’Académie, mon amour, mais j’espère que tu viendras m’embrasser avant de rentrer chez toi ? Je vis dans cet espoir, mon cher bien-aimé, ne va pas me tromper. Le bonheur de te voir est aussi grand que le chagrin de ne pas te voir, c’est tout à fait la même chose. Aussi, il faut tâcher de venir le plus que tu peux si tu veux me faire bien heureuse. En attendant, je pense à toi, je parle de toi à Eulalie, à Fouyou, à Cocotte et à Suzanne et cela me fait passer le temps avec moins d’impatience et….b encore, cela n’est pas bien sûr. Il n’y a que toi qui puissesc me faire t’attendre sans impatience. C’est pour cela que je n’y arrive jamais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 261-262
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « gifflerai ».
b) Juliette ponctue de quatre points.
c) « puisse ».

Notes

[1Cela fait une semaine que Juliette a fait l’acquisition d’une médaille de Victor Hugo. Elle l’a fait porter chez Barbedienne pour en faire ôter la vitre.

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