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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 septembre [1844], lundi, 11 h. du matin

Bonjour, mon petit Toto, bonjour, je ne sais plus où me fourrer de honte et de chagrin. Qu’est-ce que tu dois penser de moi, mon cher adoré ? Je dois te paraître bien lourde, bien épaisse, bien égoïste, bien vieille et bien maussade, n’est-ce pas ? Et pourtant, je t’aime plus que jamais et jamais je n’ai plus désiré te paraître aimable, jeune et charmante qu’à présent. Il faut vraiment que je sois ensorcelée tous les soirs de 11 h. à minuit. Quel quea soit le désir et le besoin que j’ai de te voir, à cette heure-là, un engourdissement général et un malaise hideux s’emparent de moi et je ne peux pas y résister. Et comme tu ne peux venir justement qu’après minuit, il s’ensuit que je ne te vois pas ; ou, ce qui est pire, je ne te vois que pour me plaindre et pour grogner, c’est à dire pour faire juste le contraire de ce que j’ai dans le cœur. Quel remède à cela ? Encore, si j’avais mon jardin, je marcherais dedans jusqu’à ce que tu viennes, cela me tiendrait éveillée probablement et je pourrais profiter des moments que tu peux me donner. Mais, hélas ! je ne l’ai pas encore et jusqu’à ce que je l’aie, j’ai besoin de te voir et de t’aimer en personne naturelle. Comment faire, comment faire mon Dieu ? Je suis triste et malheureuse comme un pauvre chien galeux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 121-122
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « quelque ».


2 septembre [1844], lundi après-midi, 4 h. ¾

Je vous souhaite une faim canine, mon cher petit bien-aimé, qui vous force à venir bien vite auprès de moi dévorer votre nourriture, quitte à être dévoré par moi immédiatement après. En attendant, je tire la langue dans le désert comme un vieux lion fourbu. [BIGORIQUE CRÉQUINE ?].
J’ai fait copier votre chanson basque et tout à l’heure je la collationnerai lettre à lettre avec Clairette. La pauvre chère enfant a travaillé d’arrache-pied toute la journée. Dans ce moment-ci, elle étudie son piano pour se reposer. Ce soir elle lira ou fera des bourses pour vous. Moi je tâcherai d’avoir le courage de faire mes comptes de fin de mois que je n’ai pas encore pu regarder en face. Mon cher petit homme adoré, je voudrais être plus vieille de tout le temps qui me sépare de toi. Cela m’est égal de vieillir pourvu que je te voie et que je t’aime autant que je le désire. Voillà mon opinion. Pourquoi n’est-ce pas aussi la vôtre ? Hein ! …… Vous êtes un monstre et vous méritez d’avoir des puces comme un noble espagnol et même comme deux nobles espagnols. Le bon Dieu sait ce qu’il fait en vous. En voyant ces petits animaux intéressants, je voudrais qu’il vous en envoie encore davantage, cela me vengerait. Décidément, je deviens féroce. Cela me réussira peut-être mieux que le genre amoureux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 123-124
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

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