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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 mai [1837], mercredi matin, 10 h.

 

Bonjour mon cher petit o. Je vais au spestacque [1] ce soir [2]. C’est bien fait, han !!! Et puis il faut absolument que vous me conduisiez tantôt essayer ma robe et voir mon chapeau, car enfin je ne veux plus aller plus longtemps avec ma CASQUETTE de velours. Ensuite nous irons chercher Claire. N’est-ce pas mon Toto ? Il fait un temps ravissant et je vous aime, deux ravissantes choses qui suffiraient pour le bonheur de la vie si vous étiez là. À présent je ne suis qu’à moitié heureuse. Je crains même de rester dans cet état jusqu’à la parfaite publication de votre beau livre [3], ce qui ne serait pas très geai au moins. Il est vrai que vous m’avez promis de vous occuper immédiatement et sans désemparer d’une pièce [4], ce qui fera un été complet. Nous verrons cependant s’il n’y aurait pas moyen d’agripper quelques jours de vrai bonheur. Je vous préviens que je ferai tous mes efforts et que je ne vous lâcherai pas facilement. Jour mon gros To. Jour mon petit homme chéri. Comment vas-tu ce matin ? Tu me promettras de l’écrire avant ce soir puisque je suis sûre de sortir et que je tiens à vous donner votre petite ration quotidienne de baisers, de petits mots caressants et d’amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 245-246
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein


31 mai [1837], mercredi matin, 11 h.

Je t’écris à présent mon bon petit homme pour être bien sûre d’en avoir le temps et de te parler à mon aise. Je t’aime tant d’ailleurs que je suis toujours prête à te le dire et à te l’écrire en tout temps et en tout lieu. Je t’aime. Il fait un temps ravissant. Je voudrais que tu me menasses prendre ma fille. Je tiens à lui faire voir Angelo [5]. Je sais la joie que je lui ferai, et j’ai si peu d’occasions de lui en faire que je ne veux pas laisser échapper celle-ci. Pourvu que tu ne viennes pas à sept heures du soir, ce qui n’est pas, malheureusement, impossible vu l’état de préoccupationa dans lequel vous êtes, mon cher petit somnambule. J’ai cependant bien des choses indispensables à faire. D’abord mon chapeau avec lequel je ne puis plus sortir sans me faire crier à la chian-lit, lis à la chienlitb [6], ce qui me causerait un plaisir médiocre attendu qu’il n’y a que la vérité qui offense. Je vous préviens donc que je vous attends et très tôt mon Toto. Je vous aime, mon Dieu, que je vous aime, vieille bête. Je vous aime trop pour une sensible femme comme je suis. Je voudrais bien savoir si vous m’aimez un peu. Je vous aime et je vous aime et je vous aime et voilà.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 247-248
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « préocupation ».
b) « chianlit ».

Notes

[1La faute est volontaire.

[2Probablement pour voir Angelo, repris à la Comédie-Française depuis le 27 mai.

[3Les Voix intérieures paraîtront fin juin.

[4Se pourrait-il que la rédaction de Ruy Blas ait été prévue dès l’été 1837, puis repoussée ? S’il s’agit d’une autre pièce projetée, seuls les fragments dramatiques de la période pourraient apporter un début de réponse pour l’identifier.

[5Angelo est repris à la Comédie-Française depuis le 27 mai.

[6« À la chienlit ! » : cri de dérision lancé à des personnes masquées dans les rues durant la semaine des jours gras.

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