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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 mai 1837

12 mai [1837], vendredi matin, 10 h. ¾

Jour méchant bonhomme. Comment que vous vous portez ? Je vous défends d’être malade. D’abord parce qu’enfin vous n’avez pas besoin d’avoir tout réunia la méchanceté et la maladie, on ne pourrait plus vous approcher sans [bâtons  ?]. Je vous aime comme il n’est pas possible, car je vous aime méchant, maussade et hargneux autant que si vous étiez le plus doux, le plus aimable et le plus ravissant des hommes. Je crois même que je vous en aime davantage. Comment as-tu passé la nuit mon petit chéri ? Le temps était peu propice à la promenade si j’en juge d’après celui qu’il fait ce matin. J’ai un mal de tête fou et je crains que toi-même tu ne sois pas à l’abri de cette mauvaise influence avec ton rhume de cerveau. J’ai déjà préparé mon feu. Je trouve qu’il fait un froid sterling. Je me sens vraiment mal à mon aise. Ça ne m’empêche pas de vous aimer comme un tonnerre. Je serais à la mort, je serais même morte tout à fait que je vous aimerais encore autant. Voilà comment je suis. Arrangez-vous en si vous pouvez, mais je n’en rabattrai pas car à la fin des fins je m’insurge.
Viendrez-vous très tôt mon ga to [1] ? J’ai bien besoin de baiser votre petite figure renfrognée. En même temps je réchaufferai vos petites pattes blanches et votre gros cœur rouge et puis je vous baiserai partout.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 155-156
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « réunis ».


12 mai [1837], vendredi après-midi, 1 h. ¼.

Mon cher petit homme, je vous aime de tout mon cœur. Je voudrais bien voir le bout de votre nez seulement. Je crois que cela ferait du bien à mon affreuse tête dont je souffre horriblement. Je meurs de froid, dieu de dieu ! Vous sentez mon cher petit homme que je ne compte pas que vous me mènerez dîner à la campagne aujourd’hui sans quoi je me garderais bien de jeter les hauts cris contre le temps. Au contraire je le trouverais charmant et très chaud [Colas  ? collanta  ?]. J’ai là une lettre que je présume être de mon père [2]. Quand vous viendrez, seigneur, vous la lirez. Jour mon petit Toto. Qu’est-ce que nous allons devenir si ce temps-là continue ? Quantb à moi je me couche une bonne fois pour ne me relever que dans six mois afin qu’on fasse mes couvertures.
Qu’on vous dit. Je suis sûre que vous aurez le front de me dire que vous avez travaillé aujourd’hui quoique cela ne soit pas vrai et que vous soyez un vieux menteur de chien. Ah ! si je ne vous aimais pas ou si je vous aimais moins seulement !

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 157-158
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « colant ».
b) « quand ».

Notes

[1Juliette joue davantage ici sur le sens espagnol de ce jeu syllabique (« mon chat »).

[2C’est ainsi que Juliette désigne son oncle René-Henry Drouet.

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