Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1879 > Janvier > 1

Paris, 1er janvier 1879, mercredi matin, 7 h.

Cher grand bien-aimé, je remercie Dieu de toute mon âme de t’avoir conservé à mon amour malgré les cruelles épreuves de cette année [1]. Je le supplie de continuer à te bénir dans ta vie, dans ta santé, dans ta gloire, dans ton honneur, dans tes deux adorables petits-enfants et dans ton bonheur. Je lui demande de me permettre de continuer à vivre dans ton ombre le reste de mes jours pour t’aimer, pour te servir, non dans la mesure de mes forces qui n’existent plus, mais dans celles de mon amour qui sont infinies. Je lui demande de m’accorder le sublime honneur de mourir en même temps que toi et de la même mort afin que nous paraissions en même temps devant lui en revendiquant la solidarité de nos deux âmes dans le mal comme dans le bien, de nos mauvaises actions et des bonnes tout le temps que nous avons passé ensemble sur la terre. Je le supplie de nous accorder à tous les deux le même sort, quel qu’ila soit, pendant toute l’éternité. J’espère qu’il exaucera ma prière puisqu’il m’accorde le bonheur de partager ta vie et celui de t’adorer et de te bénir dans la douleur comme dans la joie.
J’attends ta chère petite lettre d’étrennes avec toutes les tendres impatiencesb de mon cœur. Je lui souris d’avance et je la baise de l’âme.

BnF, Mss, NAF 16400, f. 1
Transcription de Chantal Brière

a) « quelqu’il ».
b) « impatience ».


Paris, 1er janvier 1879, mercredi soir, 7 h.

Entre temps, comme on dit à Bruxelles en Brabant, je me donne l’ineffable joie de te recommencer ce soir ma chère petite restitus de ce matin sans y rien changer, ni rien omettre et sans en retrancher un mot ni une syllabe mais pour avoir le bonheur de donner une forme visible à mon amour. Ta chère petite lettre m’en donne le droit, d’ailleurs, c’est une tradition bénie que je tiens à conserver religieusement tant que je pourrai mettre une patte de mouche l’une devant l’autre. À ce propos, je suis très contente que tu aies pu faire quelques pas ce soir avec moi pendant les quelques minutes de non pluie. Cela ne suffit pas à ton hygiène mais cela te prouve combien je tiens à régler mon pas sur le tien. J’espère que nous aurons un meilleur temps demain et que nous serons moins affairés et que nous reprendrons l’itinéraire accoutuméa du tramwayb l’Étoile Villette avec ou sans correspondance. Cela me fait penser que tu as promis de donner une dernière… ? séance à Bonnat samedi prochain [2].
Cher adoré, je rabâche un tas de choses pour arriver en retard au mot suprême de la fin : je t’adore. Je pense que Mme Lockroy ne dînant pas ni tes enfants non plus demain nous pourrons inviter les deux Lesclide avec la famille Lefèvre. Il restera même encore une place dont nous pourrons faire profiter le plus proche de nos amis, celui que tu voudras, sans risquer d’être treize à table. C’est ce dont tu décideras ce soir avant d’aller te coucher. En attendant je te baise de la tête aux pieds avec adoration.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 2
Transcription de Chantal Brière

a) « accoutumée ».
b) « tramways ».

Notes

[1Au cours de l’année 1878, Juliette a souffert des infidélités de Hugo et s’est aussi inquiétée pour sa santé.

[2Le peintre Léon Bonnat exécute le portrait de Victor Hugo.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne