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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 mars 1845

3 mars 1845, lundi, midi ½

Je t’écris bien tard, mon bien-aimé, c’est que depuis ce matin, je suis occupée à chercher tout ce qui me reste à faire d’ouvrage parce que cette semaine sera la dernière qu’Eulalie passera à la maison d’ici à longtemps. Je veux rentrer dans des habitudes d’économie dont j’étais sortie forcément depuis quelque temps.
Cher adoré bien-aimé, je m’en veux de ma réception de cette nuit comme si c’était ma faute et pourtant il n’en est rien. J’avais éteint ma bougie à minuit et demie. Je ne sais pas pourquoi il y a des moments où je ne peux pas me réveiller de mon premier sommeil sans souffrir beaucoup. Cela tient sans doute à certaine particularité fort ennuyeuse de mon existence. Toujours est-il que moi qui ne te vois jamais assez, je n’ai pas pu profiter du petit moment que tu m’as apporté cette nuit. C’est plus qu’humiliant, c’est triste et je me donnerais des coups de bon cœur si cela pouvait me guérir ou me corriger. Je passe ma vie à te désirer et mon temps à te regretter. Tout cela constitue un bonheur médiocre. Ô, je ne veux pas me plaindre, je viens de lire mon livre rouge [1]. Je suis heureuse, je suis reconnaissante, je suis à tes genoux, mon cher bien-aimé, je baise tes pieds, je t’adore, tu es mon grand Victor adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 143-144
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


3 mars 1845, lundi après-midi, 3 h. ½

Cher, cher adoré bien-aimé, mon âme est avec toi, ma pensée est où tu es, ma vie et ma joie sont dans ton amour. Quel affreux temps, mon Toto chéri, il porte à la tristesse malgré qu’on en ait. Aussi je te plains, mon pauvre ami, d’avoir des sujets de crainte pour ce pauvre malade [2]. Cependant, tu sais qu’il a déjà eu ces mêmes crises au commencement de l’hiver et qu’il y a résisté. Il faut espérer qu’il en sera de même pour celles-ci. En attendant, ce pauvre vieillard souffre et vous êtes tous en proie à une affreuse inquiétude.
Mon Victor bien aimé, pense à moi, souris-moi à travers ta tristesse, j’ai besoin de ton sourire pour illuminer mon âme. Si tu savais comme je t’aime, c’est inexprimable. Aucun mot n’est assez fort ou assez digne pour exprimer ce que je sens d’amour ardent et admiratif pour toute ta personne. Tu es sacré pour moi, mon noble et sublime Victor. Je ne m’approche de toi en pensée qu’avec respect et avec adoration. Je t’aime, je t’aime, je t’aime !!! Je ne sais pas quand tu viendras, mon adoré, mais je sais combien je te désire.
J’ai reçu une lettre de Mme Luthereau que le facteur a apportée au moment où tu t’en allais. Tu verras ce qu’elle contient quand tu viendras. Je t’attends pour l’ouvrir. Prends garde à tes chers petits pieds, mon amour, songe que la moindre humidité te redonnerait ton mal de gorge encore plus fort en supposant qu’elle ne t’enrhume pas. Pense à cela, mon Toto chéri.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 145-146
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Juliette conserve dans un livre rouge les lettres que Victor Hugo lui envoie chaque année pour leur anniversaire du 16-17 février 1833. On y trouve également des lettres datées de l’anniversaire de Victor Hugo. Ce « livre de l’anniversaire », comme il est appelé parfois, est un exemplaire des Poesias de Jacinto de Slas y Quiroga publié en 1834, relié pleine basane rouge, dont il ne subsiste que la couverture et les pages de garde, sur lesquelles VH a écrit les premières lettres. Les pages suivantes sont les lettres de l’anniversaire insérées. Victor Hugo a écrit à Juliette Drouet le 1er mars 1845 pour célébrer l’anniversaire de leur amour (16-17 février 1833) pourtant passé de plusieurs jours.

[2Pierre Foucher, père d’Adèle Hugo, malade, décède le 26 mai 1845.

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