Guernesey, 11 mai 1858, mardi soir, 7 h. ½
Tu vois bien, mon cher petit homme, que dès que j’ai quelques minutes de répit à mes maux, je m’empresse de les mettre à profit en t’aimant comme une dératée et en courant à cloche-pied après le bonheur avec toi. Jusqu’à présent mon très bien persiste à un peu de fatigue près. J’espère, avec le secours d’une bonne nuit, être tout à fait à mon affaire demain. Jusque-là, je vivote agréablement sur le souvenir de notre bonne petite flânerie de tantôt, en attendant que tu viennes me coucher. Du reste, il fait trop de brouillard ce soir pour me risquer à monter sur la colline. Je suis si contente de me sentir un peu dégagée de mes vilaines douleurs que je ne veux pas faire d’imprudence trop tôt. Vous savez, mon cher petit homme, que je prends au mot vous et votre dessin pour le jour de ma fête et que je suis trop heureuse de la proposition pour faire la petite bouche et la discrète. Donc, j’y compte, mon vicomte, et j’ouvre déjà d’avance un cœur et une GEULE immenses proportionnés au bonheur et à la joie que cela me fera. Tâchez de ne pas me faire faux bond comme pour mon pauvre manuscrit [1] car je ne sais pas ce que je deviendrais si vous me manquiez encore une fois de parole. En attendant, je vous adore RECTA.
BnF, Mss, NAF 16379, f. 101-102
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette