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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 février [1845], mercredi matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon petit bien-aimé adoré, bonjour, mon pauvre petit homme, comment va ta gorge ce matin ? As-tu pensé à te faire faire de l’eau de miel ? C’est cependant bien peu de chosesa à dire mais je comprends que, pris de toute part comme tu l’es, tu ne trouvesb même pas le temps de demander un verre d’eau. Rien ne m’est plus douloureux que de penser que tu souffres et que tu ne fais rien pour te soulager. Si tu allais être malade demain ! Je ne sais pas pourquoi je suis encline, dès qu’il s’agit de toi, à aller au-devant de tout ce qui peut me tourmenter. Je ne peux pas m’en empêcher et je crois que ton insouciance pour ta santé en est en partie la cause. Je t’attends avec impatience pour savoir comment tu vas et cependant, il n’est pas probable que je te voie avant ce soir. Jusque là j’ai le temps de me mettre martel en tête. Pauvre ange, si cela pouvait te soulager encore, ce serait un bonheur, mais cela ne fait que me rendre l’humeur de plus en plus noire et m’ôter le peu de gaîté que le bon Dieu m’avait donnée. Il est vrai que tout cela reviendra avec un sourire de toi. Je l’attends de jour en jour comme la nature attendc le soleil pour reverdir. Cette comparaison est peut-être ambitieuse en ce qui me concerne mais, ce qui est bien vrai, c’est que tu es le soleil rayonnant et vivifiant de ma vie et que c’est lui qui fait fleurir toutes mes joies et tout mon bonheur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 125-126
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « peu de chose ».
b) « tu ne trouve ».
c) « attends ».


26 février [1845], mercredi soir, 5 h. ½

Cher petit bien-aimé, est-ce que tu serais malade sérieusement que tu n’es pas encore venu baigner tes yeux et boire ton eau de miel ? Depuis 2 heures, l’inquiétude me galopea sans que je puisse la retenir. Je me dis bien tout ce qui peut me rassurer : que tu es occupé, que tu n’as pas une minute à toi. Mais toutes ces choses glissent sur mon cœur sans y entrer et je reste avec l’insupportable crainte que ton mal de gorge ne soit devenu sérieux. Il me semble que si j’étais sûre que tu vas bien, et que tu penses à moi, et que tu m’aimes, je n’aurais pas besoin de te voir pour être la plus heureuse des femmes tant l’inquiétude est une chose affreuse.
Je viens d’envoyer chercher Claire. Je t’écris dans ma salle à manger parce que je n’y vois goutte depuis longtemps dans ma chambre. Si tu viens par le jardin, je te verrai plus tôt, ce qui ne m’est pas indifférent.
Mon pauvre petit homme, si tu n’es pas souffrant, si tu m’aimes, je te pardonne toutes mes angoisses. Mais si tu l’étais, mon Dieu, je te les pardonnerais encore plus et je serais la plus malheureuse des femmes. Tâche de venir bien vite me tirer de ce peut-être hideux qui me fait presque autant de mal qu’une mauvaise certitude.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 127-128
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « me galoppe ».

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