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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 février [1845], vendredi matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour, mon cher bien-aimé adoré, bonjour, bonjour. Il fait bien chaud, n’est-ce pas ? Je viens de faire ma lampe et une partie de mes petites affaires dans ma chambre sans feu et je t’assure que je ne sue pas. C’est une remarque que je fais sur moi pour arriver à te plaindre. Pauvre adoré, quand je pense que tu travailles toutes les nuits sans feu et sans flamme, j’en suis toute morfondue pour toi. Encore s’il n’y avait rien à redouter à cela, ce ne serait que demi-mal, mais quand je songe au danger des congestionsa cérébrales, je suis la plus tourmentée et la plus malheureuse des femmes.
Comment vas-tu, mon amour ? Comment vont tes intestins ? J’ai encore du raisin pour ce soir mais je doute fort qu’on en trouve à acheter à des prix raisonnables par ce froid hideux qui fait. Nous en causerons ce soir. En attendant, je voudrais bien que tu puissesb venir me baiser une petite fois tout à l’heure, puisque tu travailles en marchant, il ne t’en coûterait pas davantage de venir jusque chez moi m’apporter ce bonheur. Cela me rendrait heureuse et patiente pour le reste de la journée. Tâche de venir, mon petit Toto, et je serai bien heureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 105-106
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « conjestions ».
b) « tu puisse ».


21 février [1845], vendredi soir, 6 h. ½

Je continue plus que jamais mes guignonneries, mon cher bien-aimé, tu vas en juger : depuis que tu es parti, j’ai un ouvrier tapissier qui a posé les lambrequins [1] qui, par parenthèse, ont l’air d’un événement ridicule ainsi pendusa à ces grandes croisées, tu les verras d’ailleurs. Puis des bourreletsb, puis des clous, des crêtes, des ci, des là à rafistoler et à cognerc dans tous les coins. Dans ce moment-ci, il habille la planche qui doit couvrir la commode. Tout cela, mon cher ange, fait que je n’ai pas encore pu copier un seul mot de ton discours [2]. Je suis enragée mais sois tranquille, je vais m’y mettre d’arrache-plume tout à l’heure et tu l’auras ce soir.

7 h. ¾

Cher bien-aimé, vous vous êtes en allé sur une affreuse IRONIE, mais je vous pardonne. Je vous permets de venir quand on est couché tant que vous voudrez et la plus attrapéed, ce ne sera pas moi. Tu as vu, mon cher bijou, dans quel fouillis et dans quel encombrement de tapissier et de blanchisseuse j’étais quand tu es arrivé, ce qui t’explique suffisamment pourquoi je n’ai pas encore commencé ta copie. Mais je vais m’y mettre et j’espère, nonobstant la fée Guignolette [3], en faire une bonne partie ce soir. Pour cela, il faut que je me dépêche bien vite de finir ce gribouillis et de manger ma soupe. Baisez-moi, mon cher petit taquin, et admirez vos lambrequins tant que vous voudrez. Quant [à] moi, je les trouve très laids. Sur ce, je vous demande un million de pardons et j’embrasse vos sacrés genoux. À ce soir, à tout à l’heure, mon amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 107-108
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « pendu ».
b) « des bourlets ».
c) « cognier ».
d) « attrappée ».

Notes

[1« Découpures de tôle, de zinc, de bois, imitant l’étoffe, et qui couronnent une tente, un pavillon, des embrasures de fenêtre, une cheminée » (Larousse).

[2S’agit-il du discours que Victor Hugo a prononcé le 16 janvier 1845 lors de la réception de Saint-Marc Girardin à l’Académie française ou bien de celui du 27 février 1845 qu’il rédige encore pour la réception de Sainte-Beuve ?

[3À élucider.

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