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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 janvier [1845], vendredi matin, 9 h.

Bonjour, mon petit Toto bien aimé, bonjour, mon soleil, bonjour, ma joie, bonjour, comment vas-tu ce matin, mon petit Toto chéri ? Moi, je vais très bien. Cette bonne petite soirée passée avec toi m’a guériea comme avec la main. Si je te voyais tous les jours, et si je ne te quittais jamais, je ne serais jamais malade. Vous voyez donc bien que c’est votre faute quand je souffre.
Cher petit bien-aimé adoré, je veux croire ce que tu me dis, que ma maison sera très gentille mais elle m’eut parue un vrai paradis, quand même, si nous l’avions arrangée nous-même clous à clous. Enfin cela ne se pouvait pas et je reconnais que tu fais tout ce que tu peux, mon pauvre ange, et au-delà de ce que tu peux pour diriger cet arrangement.
Aujourd’hui, je ferai présenter les tapisseries de la chambre à coucher. Tu les verras tantôt, je l’espère, et tu pourras modifier ou changer ce qui ne te conviendra pas. En même temps, tu te rendras compte de ce qui manque de tapisserie. Je vais me dépêcher de faire ta tisaneb, de déjeuner et de m’habiller pour aller presser ces gens-là. Je crains seulement que tu ne viennes pendant leur déjeuner qui est de [11  ?] h. à 1 h. Enfin tu verras tout de même. Baise-moi, mon cher petit bien-aimé, et aime-moi si tu veux que je vive. À tantôt, mon adoré. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 63-64
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « m’a guéri ».
b) « ta tisanne ».


31 janvier [1845], vendredi soir, 8 h. ½

Comment, mon adoré, je ne te verrai pas ce soir ? C’est plus qu’une privation pour moi, c’est un chagrin. Je n’ai que ce petit moment de bonheur le soir et si tu me le retires, il ne me reste plus rien. Mon Victor bien aimé, tu auras bien du bonheur, bien des tendresses à me donner plus tard, pour tout ce que tu me dois depuis dix-huit mois [1]. En attendant, je tâche d’avoir du courage en pensant que tu m’aimes et que ce n’est pas ta faute si tu as si peu de temps à me donner. J’espère encore que tu viendrasa un peu ce soir et dans cet espoir, je vais te faire une assiette de raisin. J’ai été bien contrariée et je le suis toujours de cette bévue du tapissier. Vois-tu, mon Toto chéri, il n’y a que toi qui puisse diriger ces gens-là. Moi, je ne sais rien et je ne peux pas prendre sur moi de rien commander. Il est bien malheureux que tu sois si occupé. Mais qu’est-ce que je dis là ? Je me répète comme une vieille bonne femme et je ne veux pas de ça. Je veux être jeune pour vous plaire, mon Toto. Tâche de venir ce soir, mon Victor, tu me rendras bien heureuse et tu me feras passer une bonne nuit. Tandis que si tu ne viens pas, je suis sûre de ne pas bien dormir. Le malheur serait peu de chose si cela se bornait à ne pas ou à peu dormir. Mais je suis triste dans mon pauvre cœur et j’ai toutes sortes de mauvaises pensées qui m’agitent. Tâche de venir, mon Victor adoré, et surtout ne travaille pas toute la nuitb. Il vaut mieux ne finir que le 2 février [2] que de te rendre malade : je t’en prie, mon Victor.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 65-66
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu viendra ».
b) « la la nuit ».

Notes

[1Dix-huit mois auparavant, Victor Hugo et Juliette Drouet partent en voyage en Espagne et dans les Pyrénées du 18 juillet au 12 septembre 1843. Depuis, les moments partagés entre les deux amants se font rares.

[2Juliette Drouet évoque-t-elle la fin de la rédaction du discours de Victor Hugo en réponse au discours de réception de Sainte-Beuve à l’Académie française ?

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