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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 janvier [1845], dimanche midi

Bonjour, mon petit Toto bien aimé, bonjour, mon adoré petit Toto, bonjour, comment vont tes chers petits pieds ce matin ? Pendant que tu en souffrais cette nuit, moi, j’avais des douleurs de tête à ne pas pouvoir te regarder. Je les ai euesa toute la nuit et à présent encore, je ne suis pas très gaillarde. Je vais employer le fameux remède. C’est pour des occasions comme celle-ci que je le réserve.
J’ai envoyé ce matin pour tes chaussettes. Je n’ai pas encore de réponse définitive mais je crois qu’il nous faudra revenir aux premières. Je t’en prendrai six paires pour en essayer. Tu verras qu’elles se resserreront à l’eau et qu’elles seront justes à ton pied. Je t’engagerais presque à prendre la douzaine mais cependant, il vaut mieux que tu les éprouves.
Je voudrais que jeudi [1] fût passé dans l’espoir que tu seras un peu plus avec moi. C’est probablement un espoir qui ne se réalisera pas, mais je ne peux pas m’empêcher de l’avoir. Le jour où je n’en aurai plus, d’espoir, je ne sais pas ce que deviendra ma raison et ma vie, car je sens qu’elles ne tiennent qu’à ce fil-là. En attendant, j’attends. Ça n’est pas très gai ni très drôle. Pardon, mon Toto, j’ai promis de ne pas me plaindre et de ne pas te tourmenter et je veux tenir ma promesse, n’importe à quel prix.
Cher adoré bien-aimé, je t’aime. Je suis patiente, courageuse et résignée puisque tu le veux et puisqu’il le faut. Je compte sur ta bonté, sur ta justice et sur ton amour pour me relever bien vite de ces trois affreuses positions que je ne subis qu’à force de douleurs au cœur, de maux de tête et de tristesse. Je t’aime trop pour être vraiment résignée à ne pas te voir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 39-40
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « je les ai eu ».


12 janvier [1845], dimanche soir, 9 h ½

Me voici seule, mon Toto, attendant, espérant que tu viendras, entourée d’une tasse de bouillon froid, d’une assiettée de raisin et d’une bouteille doublée d’une carafea. Tu serais bien gentil de venir user de toutes ces bonnes choses et de bien d’autres encore que ma modestie ne me permet pas de mettre sur la carte. Je te vois si peu que j’ai à peine le temps de te demander un conseil. Cependant j’en aurais besoin de plus d’un pour toutes ces affaires de déménagement [2], sans parler des affaires du ménage pour lesquellesb j’ai pris l’habitude de te demander avis. Ainsi, je voudrais que tu me dises si je dois acheter du bois au chantier, celui que je prends chez la charbonnière coûte plus cher et est moins bon. J’en ai fait l’expérience depuis huit jours. Maintenant faudra-t-il que j’aille faire faire l’état des lieux avant d’avoir les tapissiers ? Faudra-t-il faire poser les enduits de la sonnette qui ira de ma chambre à la cuisine avant que les tentures soient posées ? Je te pose toutes ces questions ici, mon bon ange, sachant bien que tu ne peux pas y répondre tout de suite, mais pour que lisant cela chez toi, tu sois déjà prévenu lorsque je t’en parlerai et que tu n’aies plus qu’à me répondre oui ou non. Cher adoré, tout cela est dans l’intention de t’épargner l’ennui et la fatigue de m’entendre t’expliquer ces raisons saugrenuesc à travers ta préoccupationd. Et puis aussi, pour n’avoir qu’à te baiser et à te caresser le peu de temps que je suis avec toi. Si tu savais comme c’est bon de te baiser !

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 41-42
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « caraffe ».
b) « lesquels ».
c) « ces raison saugrenues ».
d) « préocupation ».

Notes

[1Le jeudi 16 janvier 1845, Victor Hugo prononce un discours en réponse au discours de réception de Saint-Marc Girardin à l’Académie française.

[2Juliette Drouet déménage le 10 février 1845 du 14 au 12, rue Sainte-Anastase. Victor Hugo loue ce rez-de-chaussée avec jardin depuis le 14 août 1844, depuis lors en travaux pour rénover les trois pièces et la cuisine.

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