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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 décembre [1848], mardi matin, 8 h. ½

Bonjour, cher petit homme, bonjour, mon cher PAUVRE, bonjour. Je n’ai pas passé sous vos croisées ce matin mais j’ai rêvé de vous toute la nuit, ce qui fait que je suis horriblement fatiguée, ceci sans équivoque car vous m’avez fait faire plus de cent lieues [illis.] dont nous allons à l’Assemblée quand vous êtes en retard. Vous pensez que ce matin j’ai le droit d’avoir une courbature, j’y ajoute même celui d’avoir mal à la tête, ce qui est excessif. Peut-être aussi que le brouillard est [de mise  ?] dans ce droit peu superbe. Dites donc, pourquoi vous êtes-vous permis de dîner hier ? Après la bâfrerie de tantôt vous auriez très bien pu vous passer de la gobeloterie du soir. On voit bien à ce seul détail que vous êtes un buveur de sueur des peuples et un réactionnaire. Quant à moi j’en étais convaincue bien avant la glorieuse de février [1] et si je me suis tue c’est parce que j’avais la générosité coupable de ne pas précipiter la chute de ce gouvernement corrompu et gueulard. Maintenant que le tyran est démoli, que les pairs de France sont dégommés ou représentants je vous défendsa de faire des gobelotages sans moi. Puisque je paie, je veux partager. Je suis une partageuse enragée, je veux tout et le reste encore plus.

Juliette

MVH, 8136
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « défens ».


26 décembre [1848], mardi matin, 11 h.

Je ne sais pas jusqu’à quel point il est prudent de s’aventurer dans les rues aujourd’hui par le brouillard qu’il faita. Il ne m’est pas démontré que nous puissions arriverb à l’Assemblée sains et saufs et surtout en revenir puisque le brouillard augmente d’intensité de minute en minute. Les arbres et les maisons qui sont en face de moi ont complètement disparu depuis ce matin. Si tu m’en croyais nous délatterions l’impôt sur le sel au coin de mon feu et nous voterions par scrutins divisés mieux qu’à l’Assemblée. Fouyou nous présiderait et Suzanne représenterait le corps diplomatique. Je t’assure que tu pourrais concilier très bien tes devoirs politiques avec la prudence et les rhumes de cerveau dont je commence déjà à pincer. Si vous ne vous rendez pas à ma raison je vous SUIVRAISc quitte à ne pas revenir, ce qui sera tout profit pour vous. En attendant je fais mes préparatifs pour vous accompagner. Je tiens autant que possible à ce que vous ne perdiez qu’avec moi. Baisez-moi, taisez-vous et aimez-moi. Je ne serai contente que lorsque vous aurez satisfait à ces trois exigencesd. Jusque-là je bisque, je rage, j’éternue et je désarçonne de pire en pire.

Juliette

MVH, 8137
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « qui fait ».
b) « arrivés ».
b) « SUIVRAI ».
c) « exigeances ».

Notes

[1Durant la Révolution de février 1848, Victor Hugo tente en vain de faire proclamer la régence de la duchesse d’Orléans, place Royale, puis place de la Bastille, où il se fait huer par le peuple parisien.

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