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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 juin 1848

5 juin [1848], lundi matin, 7 h.

Bonjour, mon amour, bonjour, ma joie, bonjour, mon bonheur. Vous savez tout mon cœur par cœur. Quand je vous ai dit en trois mots ce qui vient ensuite n’est que du remplissage et pour avoir le plaisir de jaboter avec vous plus longtemps. C’est si doux d’être avec toi seulement en pensée que tous les prétextes me sont bons pour m’y acoquiner et pour n’en pas sortir.
Je ne m’en lasse jamais et je pousse l’égoïsme jusqu’à ne pas supposer que cela peut t’ennuyer énormément. Il est vrai que par triste compensation, sinon pour te venger, tu me fais payer un peu cher le plaisir de te gribouiller deux fois par jour tout ce qui me passe par le cœur en ne venant pas ou en venant si peu que c’est presque aussi pire. Tu comptes un peu trop sur ma bonasserie mais il pourra bien arriver un jour que j’arborea l’étendard de la révolte. Alors tu verras ce que c’est qu’une Juju ROUGE. Jusque-là tu ne l’avais vue que tricolore et bête. Maintenant tu vas la voir féroce et écarlate, ce sera un progrès dont elle se réjouit à l’avance. En attendant elle vous baise de toutes couleurs.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 219-220
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « j’arborre ».


5 juin [1848], lundi, midi ½

Que fais-tu aujourd’hui, mon Toto ? Il me semble que tu n’as pas de commission, pas d’Académie ? Rien qui te force à rester loin de moi car les élections et les électeurs sont à leur affaire dans ce moment-ci ? S’il en est ainsi pourquoi ne viendrais-tu pas passer l’après-midi chez moi ? Ce serait une si grande joie et un si grand bonheur pour moi que rien que cela devrait t’engager à profiter des moments de répit que te laissenta les affaires pour me le donner intégralement. Si tu dois être de cette assemblée, ce que je ne désire pas, AU CONTRAIRE, tu n’auras plus une minute à toi [1]. Alors qu’est-ce que je deviendrai moi toute seule dans mon coin ? Je n’aurai pour toute ressource que de grignoter les quelquesb pauvres petits morceaux de bonheur que j’aurai ramassésc çà et là. Pour cela il faut que tu t’y prêtes en venant le plus possible pendant que tu es encore libre. Je n’ai pas honte de mendier tes minutes une à une, je ferai encore bien d’autres bassesses pour être toute une journée avec toi et je ferai tous les crimes qu’on voudrait pour ne pas te quitter jamais. Voilà mon genre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 221-222
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « répit que te laisse les affaires ».
b) « quelque pauvres petits morceaux ».
c) « que j’aurai ramassé ».

Notes

[1Les 4 et 5 juin 1848 ont eu lieu les élections complémentaires à la Constituante. Arrivé en septième position avec plus de quatre-vingt six mille voix, Victor Hugo est élu député de Paris. Les résultats ne seront connus officiellement que le 8 juin 1848.

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