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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 mai 1848

3 mai [1848], mercredi matin, 8 h.

Bonjour, vous, bonjour, tout ce qu’il y a de plus hideux et de plus infâme sous le soleil, bonjour, je vous déteste, je vous abomine et je vous exècre. Je suis furieuse, on s’en aperçoit à mon papier et si je vous tenais je vous ferais passer un mauvais quart d’heure [sans matelas ?]. Quand espérez-vous ne pas revenir ? Toujours probablement. Mais comme ça serait trop commode, je vais aller vous chercher tout à l’heure, vous allez voir ça et vous m’en direz des bonnes nouvelles. Ah ! Vilain scélérat, c’est ainsi que vous vous conduisez envers une Juju trop bonasse. Mais soyez tranquille, JE ME RÉVEILLE ENFIN [1], ça n’est pas malheureux depuis plus de quinze ans, mais vous saurez ce que c’est qu’une Juju sans frein. En attendant dormez la grasse matinée, j’y consens à la condition d’être votre cauchemara. Affreux monstre, plus j’y pense et moins je m’habitue à vos immondes procédés. Polisson, Pair de France, académicien, toutes les infamies de la natureb [2].

BnF, Mss, NAF 16366, f. 157-158
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
[Blewer]

a) « cauchemard ».
b) La lettre s’achève ici.


3 mai [1848], mercredi, midi ½

Vous continuez toujours votre même système il paraît ? Enfin vous vous trouvez drôle mais moi vous m’ennuyez beaucoup. Si vous pouviez varier un peu mes embêtements je n’en serais pas fâchée. En attendant je bisque, je rage et je bois de l’eau. Du reste cette dernière vexation m’est parfaitement indifférente et si j’en parle c’est pour vous humilier. Avec tout cela il faut absolument que je fonde quelque petite cloche parce que j’ai très sérieusement commandé six chemises à la mère Sauvageot, ne me laisse pas aller le cul tout nu et les manches pareilles. Maintenant que je viens d’avouer mon FORFAIT, j’ai un pied de rouge sur la figure et mon nez brille comme [illis.], mais ça m’est égal pourvu que tu ne me grondes pas et que tu me laissesa faire de MES AFFAIRES ce que je veux. Ça vous fait, ça vous regarde. Baisez-moi, taisez-vous. D’ailleurs je vous trouve un peu singulier de vous mêler de mes choses quand vous m’abandonnez tous les jours comme un pauvre chien galeux. Taisez-vous qu’on vous dit.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 159-160
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
[Blewer]

a) « tu me laisse ».

Notes

[1Citation de Ruy Blas. À son maître Salluste, Ruy Blas, dans sa révolte finale, clame : « Je dis qu’il est bien temps qu’enfin je me réveille ». (Acte V, scène 3, v. 2170.)

[2Juliette Drouet a commencé cette lettre au verso du second feuillet d’une feuille double. (Blewer, p. 115).

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