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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 mars 1846

13 mars [1846], vendredi matin, 9 h. ½ 

Bonjour, mon Toto toujours plus aimé, bonjour mon ravissant petit Toto, bonjour mon amour. Comment as-tu passé la nuit ? Comment va ton rhume ce matin ? Je voudrais te voir, je voudrais te baiser, je voudrais surtout ne pas te quitter une fois que je te tiendrai. Eulalie vient de venir. Si je l’avais vue hier j’aurais pu dire à Claire à coup sûr d’écrire à M. Varin de l’attendre dimanche. Maintenant je vais envoyer Suzanne aussitôt après le déjeuner pour le lui dire dans le cas où elle n’aurait pas encore écrit. J’ai toujours trente-six triquemaques à faire pour cet éternel examen. J’espérais ne plus en entendre parler d’ici à quelque temps mais j’avais compté sans MES AUTRES [1]. Je voudrais bien, mon petit Toto chéri, que tu puisses me faire aller à la Chambre un jour où tu parleras. Ce serait une double joie pour moi, cependant comme je sens que ce sera très difficile je me contenterais d’y aller un jour où tu y seras. Ce sera encore un grand bonheur mais il faudrait me le donner tout de suite. Julie est presque aussi impatiente que moi de vous voir. Laissez-vous donc attendrir mon cher bien-aimé, et donnez-nous bien vite deux bons billets pour la plus prochaine séance. En attendant, et pour vous corrompre, je vous ferai faire des bonnes pommes. Voime, voime, vieux gueulard, il n’y a plus que ce moyen de vous séduire et j’en userai.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 259-260
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette


13 mars [1846], vendredi après-midi, 5 h. 

Où êtes-vous mon pauvre poète errant, pour que j’aille vous retrouver ? Voilà un bien fameux temps j’espère. Cela ne m’empêche pourtant pas d’avoir mal à la tête, au contraire, depuis quatre jours j’ai une migraine qui ne me quitte pas, ce qui me rend encore plus stupide que d’habitude. Je ne peux pas trouver, je ne dis pas une idée.

6 h. ¼

Déjà parti, mon Dieu, il me semble qu’il y a quelque chose qui se ferme dans mon cœur quand tu t’en vas. J’ai beau me souvenir et beau espérer, rien ne supplée au bonheur ineffable de t’avoir auprès de moi.
Eugénie me dit qu’elle t’a vu passer hier dans son Passage de l’Opéra entre 8 h. et 9 h. , le moment est précisé comme tu vois. Quoi qu’il en soit il me semble que tu devais être à cette heure-là à l’Académie ? Il faudra que je me mette en campagne pour savoir ce que vous faites. Je veux connaître à fond votre CHAUMONTEL. C’est bien le moins je pense ? Aussi à partir de tout de suite je vais vous surveiller comme plusieurs gendarmeries. Riez-en tant que vous voudrez mais ce sera comme ça. Dieu que je suis aplatiea par le mal de tête ! C’est hideux ! Si je m’en croyais je me laisserais aller jusqu’au fond de moi-même au risque de ne jamais reparaître au dessus, tant je souffre. Plains-moi, mon pauvre homme, car je ne sais plus que devenir. Je sens que je t’aime plus que jamais sans pouvoir te le dire.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 261-262
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a)« applatie ».

Notes

[1Compter sans son autre (ou sans son homme) : ne pas prévoir une circonstance extérieure.

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