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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 janvier [1848], mardi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon doux adoré, bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon cher scélérat, bonjour Toison d’or, bonjour, prends garde à toi. Je t’aime mais je n’en suis que plus féroce. Tu es averti : prends garde à toi. Maintenant j’attends après vous pour copire [1]. Je ne peux pas travailler sans vous. Je voudrais bien que vous ne me fassiez pas attendre. Je suis très pressée de continuer mon TRAVAIL. Cette activité a plus d’une raison dont la première est très sincèrement l’ardente curiosité que j’ai de savoir ce que deviennent tous ces pauvres martyrs de votre imagination. Je m’y intéresse comme des personnages de vrai et qui me toucheraient de très près. Leurs malheurs me rendent très malheureuse et je voudrais griffer ce monstre de Javert et tuer ces hideux Thénardier. Voilà comment je prends vos fictions. Du reste il est impossible de les prendre autrement tant ces douleurs sont vraies et poignantes. Toutes ces sublimes choses me font désirer de tout savoir tout de suite et je voudrais ne m’arrêter qu’au mot : fin. pour connaître le sort que tu réserves à tous ces pauvres gens. D’aborda si tu ne rends pas les Thénardier les plus malheureux et les plus immondes des gredins tu ne seras pas juste. Je veux pour ma part que tu leur fassesb tout le mal possible ou je ne serai pas contente. Je ne suis pas généreuse comme tu sais. D’ailleurs il n’y a pas de générosité qui puisse faire pardonner à de pareils monstres. C’est mon opinion. Maintenant moquez-vous de moi tant que vous voudrez, j’y consens. Mes moyens me le permettent.

Juliette

MVH, 8034
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « Dabord ».
b) « fasse ».


4 janvier [1848], mardi midi

J’ai bien froid aux mains, mon petit homme, mais j’ai bien chaud dans mon cœur. Je gèle au-dehors mais grâce à mon amour je brûle au-dedans. Ces différentes températures me poussent à me griller d’un côté et à t’écrire de l’autre pour me rafraîchira l’âme. Mais ce qui ne me ferait pas fumer dans aucun cas ce serait que tu viennes de très bonne heure. Je n’ose pas l’espérer parce qu’il fait très beau et que tu marcheras probablement jusqu’au soir. Toujours est-il que je te désire et que je t’attends pour n’en pas perdre l’habitude. J’aurais désiré pouvoir te parler hier au soir de cette affaire Luthereau mais je n’en ai pas trouvé le temps [2]. Je voudrais trouver un jour pour ne pas te déranger dans ton travail mais c’est si difficile qu’il faudra malgré moi que j’y renonce et que je te prenne au collet, non [illis.], pour te demander le conseil que cette pauvre femme attend de ton obligeante bonté.
Je viens d’écrire à Eulalie pour qu’elle vienne me renouvelerb mes deux reconnaissances. Sa sœur est trop malade pour pouvoir me rendre ce service. Quand donc n’aurai-je plus besoin de ces services-là ? Chaque fois que j’y pense j’en suis triste et humiliée. En outre c’est un impôt de deux cent francs qui pourrait être mieux employé. Malheureusement il n’y a aucun moyen de sortir de là. Et puis en somme cela m’est égal pourvu que tu m’aimes je m’en fiche.

Juliette

MVH, 8035
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux

a) « raffraichir ».
b) « renouveller ».

Notes

[1Depuis 1845, Juliette Drouet copie le manuscrit des Misérables.

[2« Mme Luthereau m’avait priée de te demander un conseil sur le projet qu’elle a de venir à Paris pour vendre une quantité de livres imprimés que la maison a laissés en paiement à son mari. Mais tu es si occupé que je n’ai pas encore pu t’en dire un mot. » (Lettre du 3 janvier 1848, lundi, midi ½.)

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