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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 novembre [1847], vendredi matin, 8 h. ¼

Bonjour, mon Victor, bonjour, mon sublime piocheur, bonjour, mon pauvre amour, bonjour, comment vas-tu ? Est-ce que tu n’es pas rentré te coucher tout de suite cette nuit ? Cependant tu devais considérer la journée comme finie, tu en avais bien le droit. Cher bien-aimé, je ne sais pas comment tu peux tenir à ce travail si opiniâtre. Et cependant, en apparence, ta santé n’a pas l’air de s’en sentira. Jamais tu n’as été plus jeune, plus beau, plus gai, plus doux et plus charmant qu’à présent. On dirait que toutes ces journées de fatigue sont autant de bains de jouvence pour ta chère petite personne. C’est ici le cas de regretter de ne savoir pas assez écrire pour essayer du moyen sur moi-même. Avec quelle ardeur je m’y mettrais tout de suite, dussé-je ne pouvoir faire que la moitié du chemin et ne vous rattraperb qu’à moitié. Ça serait déjà bien gentil et je m’en contenterais. Hélas ! l’argent me manque [1] et le reste aussi. Il faut que je me résigne à reconnaître votre supériorité en tout genre et votre jeunesse rétrospective. Je crois que je ne m’en acquitte pas trop mal, hein, qu’en dites-vous ? Mais ce dont je m’acquitte tous les jours mieux, c’est de vous aimer de toutes mes forces et de toute mon âme.

Juliette

MVH, α 7994
Transcription de Nicole Savy

a) Pour « ressentir ».
b) « rattrapper ».


5 novembre [1847], vendredi midi

Je pense à toi avec ravissement, mon Toto, je t’aime d’un amour admiratif et passionné qui tient de l’adoration. Je t’aime comme une femme et comme une sainte. Tu es pour moi le plus beau des hommes et le plus doux et le meilleur des bons Dieux. Je t’adore. Si je me laissais aller à te dire tout ce que j’ai dans le cœur de tendresse respectueuse et d’adoration familière, je n’en finirais pas et tu pourrais t’en lasser. Je m’arrête, à mon grand regret, et je reprends terre pour te laisser reposer un peu, me réservant de recommencer tous les jours un peu.
J’ai reçu hier une lettre assez inquiétante de cette pauvre Mme Luthereau, qui m’annonce que la société d’exploitation pour laquelle travaillait son mari va être dissoute pour cause de mauvaises affaires ; et elle ne sait pas encore si elle se reconstituera et si son mari y sera conservé. Tu penses que cet incident, à l’entrée de l’hiver, n’est pas fait pour la tranquilliser. Aussi la pauvre femme est-elle fort tourmentée. Quant à moi, cela me fait beaucoup de peine parce que je l’aime sincèrement. Cependant j’espère que le courage et l’intelligence de son mari triompheront de tous ces obstacles et qu’il réussira toujours à gagner le nécessaire de la vie. Je te raconte tout cela parce que je sais que tu t’intéresses à eux et parce que je connais ton ineffablea et inépuisable bonté.

Juliette

MVH, α 7995
Transcription de Nicole Savy

a) « inneffable ».

Notes

[1Exclamation reprise à Don César de Bazan (Ruy Blas, acte IV, scène 2).

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