Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1841 > Août > 22

22 août [1841], dimanche après-midi, 4 h. 

Ho ! cette fois je suis bien sûre que vous avez pris la clef des champs [1], vilain monstre, et que vous m’en donnerez joliment à garder en faisant mine de vouloir venir souper ce soir chez moi. Tâchez au moins de revenir pour le déjeuner demain et je vous pardonne tous vos trines, même la pâte d’amande. C’est un peu généreux j’espère, mais pour avoir votre joli petit groin à contempler il n’est rien dont on ne soit capable. Jour mon Toto, nous autres [illis.], nous allons sur l’eau, ia ia, mon cher petit [dessina]. Je vais tâcher de copier aujourd’hui, cependant je ne te promets pas d’en faire beaucoup à moins que mes péronnelles ne viennent pas [2], mais dans tous les cas je m’y mettrai ce soir dare-darea.
Je vous ai déjà dit que je ne voulais pas de ce tas de lettres sur ma table ou que je les jetterais par la fenêtre. Si tu ne les emportesb pas au plus tard demain, je les livrerai à l’intempérie des saisons et à la discrétion des chiffonniers, je t’en préviens et je te tiendrai parole. Je n’ai pas besoin moi de faire un tas de frais de papier, d’encre, de cuirs, de solécismes et de barbarismes pour les voir se moisir et se rancir sur ma propre table. JE NE SUIS PAS TON DOMESTIQUE, TU SAURAS ÇA [3].
On ne donne pas Ruy Blas ce soir je crois ? Dans ce cas on peut se réjouir du beau temps en faisant des vœux ardents pour qu’il pleuve et qu’il neige demain jusqu’à quatre heures [4]. Baise-moi, mon amour. Je suis atroce, j’ai des boutons plein la figure et je suis ignoble. OH ! C’TE TÊTE [5] ! heureusement que je serai vengée l’année prochaine quand ce sera à votre tour à être hideux. En attendant je dissimule comme un personnage de mélodrame.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16346, f. 165-166
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) Dessin :

© Bibliothèque Nationale de France

b) « dar dar ».
c) « emporte ».

Notes

[1Pendant l’été 1841, les Hugo ont loué à Saint-Prix, dans le Val-d’Oise, un appartement meublé de la mi-juin à la mi-octobre, et le poète y passe du temps de juillet à octobre pour terminer la rédaction du Rhin.

[2En général, le dimanche soir, quelques amies de Juliette viennent dîner chez elle. Il s’agit de Mme Triger, de Mme Guérard, de Mme Besancenot et de Mme Pierceau, beaucoup plus rarement de Mme Krafft.

[3La veille au soir, déjà, Juliette a écrit un avertissement similaire.

[4Ruy Blas,a été reprise à la Porte-Saint-Martin le mercredi précédent, le 11 août 1841, avec Frédérick-Lemaître et Raucourt. Ce sera un succès et Juliette a assisté à cette première représentation. Depuis, elle ne cesse d’espérer que le temps sera « au laid fixe » pour favoriser l’afflux de spectateurs.

[5Hugo souffre d’une maladie de peau.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne