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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 mars 1843

8 mars [1843], mercredi après-midi, 1 h.

Bonjour, mon cher bien-aimé ; bonjour mon adoré petit homme, comment vas-tu ce matin ? Si j’en juge d’après moi, tu dois avoir la tête comme un boisseau et douloureuse comme si une charrette de moellons avait passé dessus. Nous devons cependant nous réjouir de la victoire d’hier car avec la malveillance évidente qu’il y avait dans la salle, et la faiblesse des acteurs, il a fallu que ta pièce fût la plus belle que tu eusses faite pour triompher de la haine violente de tes ennemis et de la médiocrité des acteurs. Quant à moi, mon cher adoré, je suis éblouie et je ne trouve pas de mots pour te dire mon admiration. Mon Toto, mon Toto, tu es toujours plus grand et toujours plus aimé. Je voudrais mourir pour toi.
Est-ce que je ne te verrai pas bientôt ? Je vais envoyer chez la mère Lanvin tout à l’heure afin que son mari vienne me dire ce soir s’il peut aller à la seconde représentation et la quantité de places qu’il lui faut. J’ai reçu une lettre ridicule de Mme Guérard ; je lui pardonne parce que ce n’est que le dépit de n’avoir pas assisté à la première représentation et que je comprends son impatience. Je lui ai offert au reste une place dans ma loge pour demain. Si elle ne l’accepte pas, c’est une sotte, voilà tout.
Je suis sans argent. C’est aujourd’hui la blanchisseuse, le mois de Suzanne et demain Mignon à qui nous devons deux mois. Mais tout cela m’est égal. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 213-214
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette
[Souchon]


8 mars [1843], mercredi soir, 7 h.

Je suis heureuse de t’avoir vu, mon cher adoré. Je suis aussi plus tranquille des nouvelles que tu as recueillies du théâtre et des journaux. Demain nous emporterons d’assaut la seconde représentation et les ennemis en seront pour leur rage rentrée et pour leur nez de carton.
Je suis triste de cette hideuse histoire du père Nanteuil à cause de son fils [1] qui a été pour nous autrefois un excellent ami. Cependant, tu dois te souvenir qu’à une reprise d’Angelo ou de Marion, je ne sais plus au juste, il assistait avec sa femme à la représentation dans les stalles de galerie en face de moi et que je n’avais pas été contente de lui ? C’est même depuis ce temps-là qu’il s’est éloigné de toi. Ce souvenir diminue beaucoup la part que je prends au chagrin que lui causera la stupide escapade de son vieux fou de père. Et quant au chef de bataillon, je suis ravie qu’on lui ait fait goûter du violon. Cela lui ôtera l’envie une autre fois de venir jouer du sifflet au bénéfice de n’importe quelle Maxime, trop peu morale, encore moins neuve et nullement consolable.
En attendant, nous sommes très heureux que leur infâme cabale ait avorté dans des coqueluches improvisées. Demain nous leur donnerons de la patte pectorale [2] de bravos. Nous verrons si cela les guérira comme avec la main. Je voudrais déjà y être. J’ai une ardeur et une confiance qui nous portera bonheur, tu verras.
Je baise tes pieds, tes genoux et je m’attèle au char d’or [3].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 215-216
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

Notes

[2Jeu de mots sur « pâte pectorale ».

[3Allusion à élucider.

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