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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 mars 1843

7 mars [1843], mardi matin, 10 h.

Bonjour, mon adoré, et bon succès [1]. Voici un soleil d’Austerlitz qui reluit comme un présage de victoire pour la bataille que tu livreras ce soir. Moi qui crois aux présages, j’accepte celui-ci avec enthousiasme et avec confiance. À ce soir donc, mon amour !
Tu penses que je n’ai pas tardé à éteindre ma lampe dès que tu as été reparti la seconde fois ? Je ne l’avais pas encore fait parce que, m’étant aperçuea que tu avais oublié tes billets, j’étais bien sûre que tu reviendrais les prendre. C’est pourquoi au lieu de dormir, j’ai parcouru l’Opéra et le Corsaire [2].
Du reste, je suis fort souffrante ce matin, il ne faudra rien moins que les applaudissements de ce soir pour me guérir. Mais toi, mon pauvre bien-aimé, est-ce que tu n’as pris aucun repos cette nuit ? Ce serait bien imprudent et bien féroce. Mais, mon pauvre adoré, ce n’est ni le lieu ni le temps de te faire ces recommandations et ces reproches. Demain il sera temps et encore…
Je n’ai pas pensé, mon Toto chéri, à te demander si tu souperais ce soir chez moi ? À tout événement j’aurai du poulet froid et un plat de légumes qu’on te fera réchauffer en rentrant.
Je voudrais bien que tu puisses venir me conduire au théâtre ce soir, non pas que je ne sache très bien me conduire ou me faire conduire, mais pour avoir le bonheur de t’embrasser. Il me semble que cela portera bonheur à ton succès. Tâche, mon Toto chéri, de t’échapper d’ici là et à ce moment-là tu me feras une bien grande joie.
Je voudrais être plus vieille de douze heures pour avoir à me réjouir de ton succès et pour te rendre en baisers sur ta ravissante bouche tous les bravos de la soirée : quel bonheur !!!!!!!!!!!!!!!!!b Il y a bien longtemps que je n’ai poussé mon cri de guerre. C’est le moment bientôt et Dieu sait que je ne m’en ferai pas faute.
Lanvin est venu chercher ses billets ce matin de très bonne heure mais je venais d’expliquer à Suzanne le changement que nous avions décidé relativement à sa place à elle. De cette façon, il n’y aura qu’une place de perdue tandis qu’il y en aurait eu deux s’il n’avait pas été prévenu.
À ce soir donc, mon bien-aimé, bonne chance, beau succès et admiration universelle ! Je te promets que mes mains, ma bouche et mon cœur fonctionneront à qui mieux mieux. En attendant, mon cher adoré, je t’aime, je t’adore de toute mon âme. Pense un peu à moi si tu peux et aime-moi si tu en as le temps.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 211-212
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette
[Souchon, Massin]

a) « aperçu ».
b) Les 17 points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.

Notes

[1Première représentation des Burgraves.

[2Le Corsaire, sous-titré journal des spectacles, de la littérature, des arts et des modes : quotidien français paru à Paris entre le 11 février 1823 et le 14 novembre 1858.

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