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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 février [1843], mardi matin 11 h. ¼

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon cher adoré, bonjour, je t’aime. En t’écoutant parler cette nuit des impressions causées par la répétition de Lucrèce [1] et surtout par le chant des convives [2], il me semblait que je les éprouvais moi-même. Il m’est d’autant plus facile de me reporter à ce temps-là que mon amour n’a pas vieilli d’un jour, que mon admiration n’a fait qu’augmenter encore, que tu es aussi beau, aussi jeune que dans ce temps-là. Il me semble, quand je regarde dans mon cœur, que tout cet enivrement, toute cette joie, toute cette fête de gloire et d’amour se sonta passés hier. Hélas ! Les dix ans n’ont laissé de trace que sur ma pauvre tête et s’y sont d’autant plus acharnés qu’ils ont ménagé ta charmante figure.
Je te dis cela un peu bêtement, comme tout ce que je dis, ce n’est pas ma faute, mon amour. Je n’ose pas même dire que ce soit la faute de personne. Je t’aime. Voilà mon intelligence, mon esprit et ma supériorité. Hors de là je suis bête comme toutes les bêtes bêtes.
Tu dois être bien occupé aujourd’hui avec les deux répétitions, les Maxime [3], toujours très peu neuves, qui te crèvent sur la bosse  ? Sans parler de la grande affaire [4]. Je n’ose pas compter sur toi avant ce soir bien tard. Enfin, mon cher bien-aimé, je sais que tu ne t’appartiens pas et je ferai contre fortune bon cœur, contre ton absence bonne contenance si je le peux. Tâche de penser à moi mon cher petit homme. C’est tout ce que j’ose te demander dans ce moment-ci. Moi je n’ai aucun mérite à penser à toi et à t’aimer, pas plus que je n’en ai à respirer. Je t’aime mon Toto comme je vis.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 143-144
Transcription de Olivia Paploray, assistée de Florence Naugrette
[Massin]

a) « c’est ».


14 février [1843], mardi soir 5 h.

Je te remercie, mon Toto, de ta bonne apparition. J’en sens plus que jamais le prix puisque je sais combien tu es occupé. Je te remercie encore, et du fond du cœur, de ta mémoire pour la commission dont je t’avais chargé auprès de notre chère petite Didine. Son livre [5] ne me quittera jamais et je prierai Dieu pour elle dedans tous les jours.
Mme Pierceau est à la maison et elle m’a apporté deux projets d’acte pour l’atroce sorcière en question. Tu verras à les contrôler et à y introduire les changements et les modifications que tu jugeras convenables. Mais il va trop sans dire que ce ne sera qu’après le mariage de ta fille.
C’est aujourd’hui que cette pauvre Mlle Hureau a dû être jugée [6]. Je voudrais bien connaître l’issue de son procès. Il faudra que j’écrive à ce sujet à ma fille, je ne peux pas faire autrement, n’est-ce pas ?
Je suis furieuse de toutes les fureurs à la fois contre cette hideuse Maxime qui vient si stupidement se jeter à la traverse de toutes tes affaires dans un moment où tu ne sais où donner de la tête. Si je la tenais, je lui ferais passer un mauvais quart d’heure. Affreuse scélérate, stupide créature, va, que le Diable t’emporte. En attendant, et malgré toutes mes imprécations, tu vas être ennuyé de cette affaire ridicule. Pauvre adoré, s’il dépendait de moi de t’ôter toutes les tracasseries de ce monde, tu n’en éprouverais jamais. Tu en es bien sûr, n’est-ce pas mon Toto ? Baise-moi mon adoré, sois sans crainte sur l’avenir de ton enfant bien-aimée, elle sera heureuse, j’en suis sûre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 145-146
Transcription de Olivia Paploray, assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Reprise de Lucrèce Borgia à l’Odéon, presque 10 ans jour pour jour après sa création.

[2Le chant des convives dans Lucrèce Borgia, III, 1.

[3Allusion aux difficultés que rencontre Victor Hugo avec Mlle Maxime lors des répétitions des Burgraves.

[414 février : date du mariage civil de Léopoldine et Auguste Vacquerie.

[5Le 4 février, Juliette demandait un souvenir de Léopoldine « un de ces brimborions de jeune fille… ». Hugo lui a donné son livre de messe.

[6À élucider.

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