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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 1er janvier [18]71, dimanche soir, 3 h.

Cher bien-aimé, je t’ai fait prier de venir de bonne heure pour moi, d’abord, dont l’égoïsme surabonde et pour tes chers petits-enfants qui seront si heureux en recevant de Papapa cette foule de joujoux digne du paradis des polichinelles et des poupées passée, présente et future. Je crains, si tu tardes encore un peu, que tu n’arrives pas assez à temps pour les leur montrer au grand jour. Justement voici Mlle Allix qui ne veut pas que je m’interrompe. Donc au galop de ma plume je t’aime je t’aime, je t’aime. Mon cher petit Louis [1] a fait des folies, non seulement pour tes chers petits [2], mais encore pour moi qu’il a combléea de choux et de perdrix [3]. Les choux sont verts et les perdrix vivantes avec une petite provision de froment pour les nourrir pendant quelques jours. Il prétend que c’est une occasion de rempart. Ce qui me le ferait croire, c’est la cage rustique dans laquelle habitentb ces pauvres belles et bonnes petites bêtes. Suzanne a déjà conçu pour elles une sorte d’amour qui lui rappelle celui des cocottes de Guernesey. Enfin, mon cher adoré, moi qui n’espérais aucune étrenne en dehors de celles suprêmesc que tu m’as données hier, je me vois assaillie de toutes sortes de menues et grosses gourmandises de la saison. Mais je m’attarde à te raconter toutes sortes de nouvelles plus ou moins insignifiantes que j’aurai tout le temps de te faire plus tard. Mais tant qu’il y a place pour le bec de ma plume je veux prendre le temps d’y mettre un baiser. Comme toi, mon adoré, je ne me relis pas. C’est une imitation, la seule que je me permette, de ton infaillible génie. Tant pis si mon orthographe se ressent de mon outrecuidance épistolaire. Je t’embrasse, je te souris, je te bénis, je t’adore.

MLVH Bièvres, 130-8-LAS-VH 25 a, b et c
Transcription de Gérard Pouchain

a) « comblé »
b) « habite ».
c) « suprême ».

Notes

[1 (Jean-)Louis Koch, neveu de Juliette Drouet.

[2« Stupeur et ébahissement de Petit Georges et de Petite Jeanne devant la hotte de joujoux. La hotte déballée, une grande table en a été couverte. Ils touchaient à tous et ne savaient lequel prendre. Georges était presque furieux de bonheur. Charles a dit : “C’est le désespoir de la joie !” » (Victor Hugo, Carnet, 1er janvier 1871).

[3« Louis Koch a donné à sa tante pour ses étrennes deux choux et deux perdrix vivantes. » (Victor Hugo, Carnet, 2 janvier 1871).

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