9 avril 1856

Guernesey, 9 avril 1856, mercredi, midi ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, et à ce soir encore plus. J’espère que vous ne manquerez pas de m’apporter une bonne santé toute fraîche, un bon appétit et un plus gros amour encore par-dessus le marché. Du reste vous voyez que de mon côté je ne vous marchande pas la RESTITUS et que je la taille en plein papier, cela tient à ce que je veux vous donner mon amour à pleine mesure et sans RÂCLER comme on fait des petits pois au litron [1]. J’ai de la peine à m’expliquer parce que les mots n’arrivent pas aussi vite et aussi facilement au bout de ma plume que les tendresses par-dessus mon cœur. Mais tu sais bien que, quel que^a soit le mot dont je me serve, il n’exprime qu’une pensée : JE T’AIME. J’espère que tu viendras un peu de bonne heure tantôt pour que j’aie le temps de t’embrasser avant l’arrivée du Kesler. Tu n’as pas de courrier aujourd’hui il te sera peut-être plus facile de venir plus tôt. En attendant je fais de mon mieux pour abréger le temps en m’occupant de te faire un bon petit dîner. Et à ce propos je vous ferai souvenir que vous ne m’avez pas donné mon semestre et que je vis de la grenouille [2] de Suzanne. Je vous le rappelle ici parce que moi-même j’oublie de vous le dire quand je vous vois, ayant d’ailleurs beaucoup mieux à faire quand je vous ai par hasard un pauvre petit moment à moi toute seule.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16377, f. 112-113
Transcription de Chantal Brière

a) « quelque ».