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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 mars 1856

Guernesey, 27 mars 1856, jeudi après midi, 3 h.

Je t’attends pour être gaie, mon cher petit bien-aimé, mais jusqu’à ce que tu sois venu, je ne peux pas être autrement que grimaude au physiquea et au moral. J’espère que tu seras revenu dans la voiture de ces dames hier au soir et que tu ne te seras pas exposé sans nécessité à l’affreuse tempête qui soufflait et qui hurlait comme si le diable la poursuivait ? Je ne te demande pas comment a été la soirée parce que je connais l’ordre et la marche de ce genre d’embêtement mais je m’informerai avec soin si vous avez fait vos frais de bel homme frais rasé et d’homme intéressant, NOBLE EXILÉ SUR LA TERRE ÉTRANGÈRE, auprès des BELLES dilettantesb de ce pays ? En attendant je viens d’envoyer un peu de potage gras et deux oranges à ce pauvre vieux démagogue classique [1], ce dont il a paru très touché. Pauvre vieux bonhomme, le voilà bien seul maintenant. Ah ! vous voilà quel bonheur !

7 h. du soir.

J’achève ce gribouillis presque aussi piteusement que je l’ai commencé, mon cher petit homme, car c’est à peine si j’ai pu toucher ta main froide et obtenir deux mots de toi pendant les courts instants que tu es resté à travailler auprès de moi. Pauvre doux adoré, je me rends bien compte de ton travail sans relâche et de tes devoirs de famille. Je sens que c’est à grand peine et presque à miracle que tu me donnes tous les jours quelques minutes arrachées au plus vif de tes occupations et de tes affections mais cela ne m’empêche pas de me trouver à court de bonheur et de sentir ma vie bien vide et bien triste. Et pourtant je t’adore, c’est probablement à cause de cela.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16377, f. 99
Transcription d’Élodie Congar assistée de Chantal Brière

a) « phisique ».
b) « dilettante ».

Notes

[1Ailleurs, Juliette emploie cette expression pour désigner Cahaigne.

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