13 mars 1856

Guernesey, 13 mars 1856, jeudi matin, 9 h.

Bonjour, mon bon petit homme, bonjour, vous, bonjour, toi, bonjour, tout ce qui m’éblouit, bonjour, tout ce qui me réjouit, bonjour, tout ce qui me fait du bien, bonjour, tout ce qui me fait vivre, bonjour, tout ce que j’admire, bonjour tout mon bonheur, bonjour, mon grand bien-aimé et adoré Victor, bonjour. J’espère que tu as bien dormi cette nuit malgré la tempête et que tu n’auras pas eu de mauvaise digestion malgré la quantité d’eau que tu as bue ? Quant à moi je dors très mal habituellement mais depuis trois ou quatre jours mon insomnie a redoublé^a grâce à des douleurs rhumatismales dans la région de l’estomac et du dos. Debout elles sont supportables mais couchée elles sont très vives. Aussi j’ai passé la nuit à me tenir sur mon séant et à me fourrer sous mes couvertures pour me réchauffer alternativement ce qui est une manière de se reposer très fatigante^b. Ce qui ne m’empêche pas de t’aimer de pied en cap et très vertement je te prie de le croire et je vous le prouverai quand vous voudrez en vous laissant le choix des armes. En attendant je vous prie de n’être pas si chatouilleux à l’endroit des BELLES plus ou moins opprimées par les Kesler gibbeux [1].

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16377, f. 86
Transcription de Chantal Brière

a) « redoublée ».
b) « fatiguante ».