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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 juillet [1847], jeudi matin, 8 h.

Bonjour aimé, bonjour adoré, bonjour toi, bonjour Toto. Ah ! oh ! ih ! hu ! Voilà les quatre cris demandés. Une autre fois je ne serais pas fâchée de pouvoir placer mon : Quel bonheur ! Il y a longtemps qu’il n’a vu le jour, il doit être bien moisi s’il n’a pas été employé ailleurs, ce pauvre malheureux.
C’est ce soir qu’on te porte ton tapis. Enfin ! Joséphine n’est pas malade, elle viendra ce soir. J’y joindrai la petite tasse de M. Vilain en regrettant qu’elle ne soit pas en meilleur état. Si je trouve quelque chose dans mes bric-à-braca qui soit digne de vous être offert je vous l’enverrai, mais j’en doute car je suis bien pauvre à moins de vous rendre ce que vous m’avez donné. Ce qui serait d’un mauvais emploi et d’une Juju moins tendrement rapace que moi.
Il faudra que j’aille absolument chez les Féau aujourd’hui car elles croiraient que je leur garde rancune de leur dîner, ce qui ne serait pas du tout invraisemblable. J’irai donc en t’attendant leur faire une visite D’INDIGESTION. Tâche seulement de ne pas m’y laisser trop longtemps.
Toto je ne veux plus de votre vilain papier. C’est assez bon pour vous mais pour moi je me révolte. Je veux du papier superfin. Les sottises et les pataquès n’en ressortiront que mieux, ce dont je serai on ne peut plus flattée.

Juliette

MVH, α 7942
Transcription de Nicole Savy

a) « bric-à-bracs ».


Jeudi 22 juillet [1847], après-midi, 2 h. ¾

Je commence à craindre que tu ne sois allé à l’Académie avant de venir baigner tes yeux, ce qui m’empêchera d’aller au-devant de toi car nous ne sommes convenus de rien, hier, et je ne voudrais pas m’exposer à faire le cheval de bois en courant après toi sans te rattrapera. Je suis très vexée. Aussi j’ai le sang à la tête et on pourrait faire durcir des œufs sur mes joues tant elles sont brûlantes. Encore si cela cachait une bonne surprise comme tu savais m’en faire AUTREFOIS, où tu venais me chercher au moment où je m’y attendais le moins pour me mener dîner avec toi au cabaret, ce ne serait qu’heur et bonheur et je serais bien consolée ce soir. Mais il n’en est rien. Ce qui est perdu est bien perdu et sans le moindre espoir de compensation. Aussi je ne peux pas être gaie, c’est impossible. Tout ce que je peux faire pour ne pas te déplaire, c’est être résignée en apparence à ma vie de vieille maîtresse. Et quoique la moitié de la besogne soit faite par le temps, celle qui m’est personnelle n’est pas la plus facile car il y a en moi un amour obstiné qui défait au fur et à mesure tout le travail de ma raison. Il faut pourtant me tenir compte de mes efforts et de ma bonne volonté et ne pas trop m’en vouloir si j’ai trop de mémoire et trop de cœur, et me laisser te baiser à distance.

Juliette

MVH, α 7943
Transcription de Nicole Savy

a) « rattrapper ».

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