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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 juillet [1847], vendredi matin, 7 h ½

Il ne t’est rien arrivé ni à personne chez toi, j’espère, mon bien aimé ? Cependant je ne peux pas m’empêcher de me tourmenter de ne t’avoir pas vu cette nuit car ordinairement tu me fais pressentir quand tu ne dois pas venir. Je m’étais endormie en t’attendant mais à une heure ce matin je me suis éveillée et tout le reste de ma nuit s’est passéa dans une inquiète agitation. Ce matin je suis fatiguée et triste. S’il faut que je ne te voie pas d’ici à ce soir je ne sais pas ce que je deviendrai. Je ne saurai même pas si je dois aller te chercher à quelle heure et à quel endroit ? pourvu que tu ne sois pas malade ou quelqu’un des tiens. Je ne serai pas tranquille tant que je ne t’aurai pas vu. Je voudrais pourtant te sourire pour te montrer mon courage et ma résignation mais l’inquiétude me fige tout cela au coin de la bouche et je me sens prise d’envie de pleurer. Je me dis bien que tu auras été retenu par ton travail très avant dans la nuit et que tu auras eu le féroce scrupule de ne pas vouloir me réveiller mais tout cela ne me rassure pas assez pour faire, comme on dit : bonne mine à mauvais jeu. J’espère encore que tu viendras me rassurer et me donner rendez-vous pour tantôt avant d’aller à la Chambre. Et puis il faut que tu baignes tes pauvres chers yeux que tu négliges trop depuis quelque temps. Je t’attends, je te désire, je t’espère et je t’aime.

Juliette

Collection particulière (Vente Traces écrites avril 2024)
Transcription de Joëlle Roubine

a) « passée ».


9 juillet [1847], vendredi après-midi, 2 h. ½

Oui, je suis ton fidèle caniche, très passé, à la vérité, mais bien fidèle. Je t’ai donc vu. Enfin ! Et j’ai la certitude de te voir tantôt : quel bonheur ! Je ne suis plus triste, au contraire, je suis très GEAIE. Cher adoré, je t’aime, je vais te voir, je suis heureuse. Je n’ai pas pensé à te dire que j’irai chemin faisant chez Mlle Féau chez laquelle j’ai un bout de dentelle à remettre, mais comme j’irai de bonne heure, j’espère que ce changement d’itinéraire ne nous fera pas nous croiser en sens contraire.
Tu devrais bien me faire cadeau d’une plume taillée car toutes celles que j’ai sont émoussées et dépenaillées au point de ne pouvoir écrire un traître mot sans m’y reprendre cinq ou six fois. Si bien que je perds le fruit de mon inspiration pendant le temps que je passe à frotter mon trognon cinq minutes sur chaque lettre. C’est très désagréable et vous ne pouvez pas me laisser longtemps dans cette fâcheuse position. Et puis, remarquez que cela déforme mon écriture. Merci, je n’ai pas envie de me perdre la main. Ce serait trop regrettable. Voime, voime, que je vous voie vous moquer de moi et puis vous VERREZ. Baisez-moi et tremblez.

Juliette

Fougères
Transcription de Florence Naugrette

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